Mauvais plan pour tout le monde… Selon les premières estimations des Associations de gestion agréées, les revenus des médecins ont fait du surplace l’an passé. Pour la quasi-totalité des libéraux, l’année 2015 est moins bonne que la précédente. Les généralistes n’échappent pas à cette mauvaise fortune…
Cela faisait longtemps que les médecins libéraux n’avaient pas fait une année aussi médiocre. Les premières estimations de l’UNASA (Union Nationale des Associations Agréées) qui viennent de tomber montrent, s’il en était besoin, que les revenus des praticiens de ville sont en panne. La quasi-totalité des disciplines ont, en effet, terminé l’année 2015 sur des progressions inférieures à 2 %. Une majorité subissant même des évolutions de bénéfice négatives ou autour de zéro. Par rapport à 2014 – qui était une année moyenne sans plus – l’immense majorité des spécialités enregistre des évolutions inférieures de leur bénéfice.
La médecine générale ne fait pas exception à cette morosité puisqu’en moyenne un généraliste adhérent de l’UNASA a terminé 2015 avec un bénéfice en faible progression (1,2 %). Cela fait de 2015 le pire exercice des trois dernières années pour la profession. La contre-performance était un peu attendue, donc les causes sont entendues. Côté chiffre d’affaires, c’est la conjugaison d’un gel prolongé des honoraires – celui du C notamment – et d’une activité relativement atone.
En janvier dernier, la Cnamts avait déjà relevé cette absence d’effet prix pour expliquer la faible évolution (+1,3 % contre +3 % et +2,8 % en 2014 et 2015) des remboursements de dépenses du poste généralistes en 2015. « La baisse de l’évolution par rapport aux deux précédentes années est imputable à la fin de l’effet des revalorisations introduites depuis 2013 », expliquaient alors ses statisticiens. De fait, hormis une légère hausse de la prime à la performance, la majoration pour personnes âgées (MPA) restait la seule revalorisation à avoir encore produit des effets sur le premier semestre 2015 puisque l’extension aux plus de 80 ans n’a pris effet qu’au 1er juillet 2014.
Grippe et crise démographique soutiennent l’activité
L’an passé, seule l’activité des généralistes est donc à l’origine de la croissance (assez faible) des recettes de la discipline. Il est vrai que le début de 2015 a été dopé par une épidémie de grippe assez exceptionnelle avec trois millions de consultations pour ce motif de la mi-janvier à la mi-mars. Mais, par la suite, le volume d’actes en médecine générale n’a guère progressé, bien moins que l’évolution constatée chez les spécialistes, les dentistes et, a fortiori, les paramédicaux.
L’UNASA relève néanmoins une évolution de + 2,6 % des recettes moyennes du généraliste. C’est curieusement un peu plus qu’en 2014. Et peut-être faut-il y voir déjà la conséquence de la baisse des effectifs de médecins traitants relevée par l’Ordre il y a une dizaine de jours. Entre 2014 et 2015, la profession a perdu plus d’un millier de généralistes libéraux exclusifs soit 2 % de professionnels en moins, passant de 52 760 praticiens à 51 677 selon le Cnom. Un repli non négligeable et qui peut expliquer que, malgré une activité plus que modérée de l’ensemble de la corporation et aucune revalorisation d’honoraires, les recettes par tête augmentent davantage.
Des charges en hausse
Médecin de famille surbooké, mais noyé sous les charges… C’est aussi parce que 2015 rime avec frais en progression que le bénéfice du généraliste fait du surplace. Les recettes des généralistes de l’UNASA progressent deux fois plus vite que leur bénéfice, signe évident que leur résultat est rogné par les charges. L’an passé les postes « impôts et charges » (CSG, CFE) et « charges externes » (loyers et cotisations personnelles notamment) du généraliste ont ainsi augmenté de 7,4 % et 6 % respectivement. Ce qui explique que le résultat des médecins de ville n’ait guère progressé.
Comme d’habitude, ces charges fixes pénalisent davantage les plus petits potentiels. Si les recettes des généralistes progressent peu ou prou d’un peu plus de 2,5 %, quelle que soit leur place dans l'échelle des revenus, le quart le moins fortuné de la profession doit s’accommoder d’un bénéfice en croissance zéro alors que le quart le plus riche constate une hausse de 1,7 % de celui-ci. En pratique, il se confirme que plus un généraliste fait de chiffre d’affaires et plus il convertit une part importante de celui-ci en bénéfice : 57,1 % en moyenne générale, mais à peine 52 % pour un confrère du premier quartile et jusqu’à 60 % pour un autre du quatrième quartile.
Une hiérarchie des revenus inchangée
Les généralistes ne sont pas les seuls à glisser sur la pente savonneuse des charges. Ce différentiel bénéfice-recettes au détriment du résultat est constaté cette année pour la plupart des autres spécialités. Signe que leurs frais sont en augmentation plus forte. Toutes ces évolutions 2015 n’affectent toutefois pas la hiérarchie des revenus entre les libéraux.
Les 18 309 généralistes adhérents à une AGA de l’UNASA ont perçu en moyenne 83 388 euros de bénéfice pour 155 684 euros d’honoraires (NB : les généralistes de l'UNASA ont généralement des revenus un peu plus élevés de quelques milliers d’euros que la moyenne constatée sur l’ensemble de la profession). Ce score place le bénéfice du généraliste au-dessus de certaines spécialités cliniques comme l’endocrinologie (49 KE), la psychiatrie (61), la pédiatrie (65) ou la gynécologie médicale (67) et à peu près dans la roue des dermatos (78 KE) et rhumatos (80). Toutes les disciplines à actes techniques sont au-delà : 87 KE pour un gynéco-obstétricien, 96 pour un ORL, 98 pour un pneumo, 110 pour un gastro-entérologue, 120 pour un cardiologue, 141 pour un ophtalmo et jusqu’à 169 pour un anesthésiste…
2016 viendra-t-elle bouleverser ce classement des revenus ? Sûrement pas, car même si – comme c’est probable – la nouvelle convention devait arbitrer en faveur des disciplines cliniques, ses effets tarifaires ne sont pas attendus avant 2017. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il faut aussi s’attendre cette année à un deuxième exercice morose pour tout le monde, avec, pour la deuxième année consécutive, une stagnation voire une régression des bénéfices.