14e congrès international d’addictologie de l’Albatros

Les addictions au-delà de l’addictologie

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Publié le 20/11/2020
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Interdisciplinarité. Tel a été le maître mot du 14e congrès international d’addictologie de l’Albatros, qui s’est tenu à Paris fin octobre sous le signe de la « confrontation des savoirs » et du « croisement » des pratiques. L’occasion de revenir sur les interactions entre pathologies mentales et addictions mais aussi sur l’impact de la crise sanitaire sur les consommations.

Crédit photo : GARO/PHANIE

C’est un effet plutôt inattendu de la pandémie de Covid-19 : alors qu’avec les confinements à répétition et le stress engendré par la crise sanitaire, la crainte était de voir exploser les pratiques addictives, des données présentées lors du dernier congrès international d’addictologie de l’Albatros (Paris, 27-29 octobre) suggèrent qu’au contraire, certaines consommations pourraient avoir reculé en 2020, faute de « munitions ».

Un recul temporaire des addictions suite à la crise

Ainsi pour l’alcool, alors qu’elle tendait à augmenter depuis près de 30 ans, la consommation mondiale aurait enregistré un net recul ces derniers mois. Si cette tendance se poursuit, la consommation pourrait diminuer de 13 % d’ici 2022 à l’échelle mondiale, selon un travail de modélisation évoqué par Jürgen Rehm, directeur de l’Institut de recherche sur les politiques de santé mentale de Toronto (Canada). Mais de l’aveu même du chercheur, ce scénario a en fait peu de chance de se réaliser et on « s’attend plutôt, à moyen et long termes, à une augmentation de l’usage de l’alcool, comme à chaque récession très importante ».

Concernant les drogues psycho­actives, dont les usages avaient jusqu’à maintenant tendance à augmenter, même constat : a priori, la crise sanitaire a provoqué une diminution des consommations de la plupart des produits – sauf peut-être du cannabis, rapporte le Pr Rehm. Mais si, comme pour l’alcool, la pandémie semble avoir provoqué des difficultés d’approvisionnement ainsi qu’une augmentation du prix des opioïdes et de la cocaïne, c’est surtout la diminution de la pureté des drogues, récemment observée, qui inquiète. Cette tendance, couplée à une probable augmentation des inégalités de revenus – connue pour être associée à une hausse des consommations –, pourrait augmenter l’incidence des overdoses, préviennent les intervenants.

Le TDAH, facteur de risque de dépendance

Autre hotspot de cette édition 2020, mêlant cette fois addictologie et psychiatrie : les liens entre trouble de déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) et addictions. Selon des études récentes, la prévalence du TDAH parmi les patients souffrant d’addictions pourrait être de 15 à 20 %, résume le Dr Carlos Roncero, psychiatre à Salamanque. Si ces chiffres sont discutables du fait de la difficulté à établir un diagnostic et du grand nombre de faux positifs produits par les outils de screening, ils suggèrent cependant « qu’une part importante des patients souffrant d’addictions présentent un TDAH », souligne-t-il.

L’utilisation de drogues peut en effet constituer un outil psycho-pharmacologique de compensation des troubles de l’attention, cognitifs, exécutifs ou émotionnels persistant chez les adultes atteints de TDAH, explique Oussama Kebir, psychiatre et addictologue au centre hospitalier Sainte-Anne (Paris). Ces patients peuvent en particulier utiliser le cannabis pour son « effet procognitif » ; les amphétamines pour leur effet paradoxalement sédatif, ralentisseur, voire anxiolytique chez les personnes atteintes de TDAH ; l’alcool par impulsivité, etc.

Le Sevrage tabagique revisité

Le sevrage tabagique a aussi fait l’objet d’une séance phare du congrès, au cours de laquelle Matthew J. Carpenter, docteur en psychologie (Caroline du Sud), a présenté une méthode émergente d’utilisation des produits d’aide au sevrage : le medication sampling, ou échantillonnage de médicaments.

« Il s’agit de proposer (gratuitement) à tous les fumeurs un traitement court contenant un ou plusieurs produits d’aide à l’arrêt du tabagisme », explique le Dr Carpenter. Autrement dit, le medication sampling consiste à fournir aux fumeurs, qu’ils aient formulé le souhait d’arrêter ou non, un échantillon de traitement d’aide au sevrage assorti d’un minimum d’explications.

Parmi les produits éligibles à la méthode, les substituts nicotiniques auraient été les premiers à fournir la preuve de leur efficacité, suggère Matthew Carpenter. D’après une étude menée par son équipe, proposer à tout fumeur un sachet contenant une quantité suffisante pour deux semaines de patchs et de gommes permettrait en effet d’augmenter, dans les six mois, le nombre de tentatives d’arrêt ainsi que leur taux de réussite. Mais des échantillons d’autres produits pourraient également s’avérer efficaces et sûrs. Des investigations portant sur la varénicline ou sur des e-cigarettes seraient notamment en cours.


Source : lequotidiendumedecin.fr