JNI 2023

Les syndromes post-infectieux sortent de l'ombre

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Publié le 26/06/2023
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Crédit photo : BURGER/PHANIE

Ces JNI témoignent d’une prise de conscience : celle du fardeau lié aux syndromes post-infectieux. Le Covid-19 a provoqué « un effet de loupe sur (un phénomène longtemps) délaissé, probablement à tort », souligne le Dr François Goehringer (Nancy), qui s’est penché sur l’historique des symptômes prolongés lors d’une session entièrement dédiée à ces troubles.

Ces syndromes constituent un phénomène « connu de longue date en post-épidémie », insiste-t-il. Dès la fin du 19e siècle et de la « première grande pandémie pour laquelle des données fiables » sont disponibles, à savoir la pandémie de grippe russe (1889-1894), ont été décrits une mélancolie post-grippale, des états léthargiques, une asthénie, etc., et in fine une incapacité des travailleurs contaminés à reprendre leur emploi. Et ce, alors même que l’infection aiguë, certes particulièrement contagieuse, se révélait relativement bénigne, note le Dr Goehringer.

Ensuite, au début du 20e siècle, la grippe espagnole a conduit à la description de syndromes post-infectieux cette fois particulièrement graves, notamment chez les enfants. Des tableaux d’encéphalopathie chronique, avec troubles du sommeil, « états d’hyper­excitation », troubles comportementaux, etc., qui « ont amené de nouveaux décès jusqu’en 1940 », rapporte le Dr Goehringer.

Toujours au siècle dernier, un syndrome post-poliomyélite a par ailleurs été identifié, notamment aux États-Unis. Plusieurs décennies après la guérison initiale, « 50 % des survivants développaient un syndrome très retardé, avec une faiblesse musculaire, des arthro­myalgies, des troubles de l’humeur et du sommeil, et un impact considérable sur la qualité de vie », décrit le Dr Goehringer, qui souligne deux facteurs de risque : le sexe féminin et la gravité de l’infection aiguë. Ont aussi été recensées de « petites épidémies » mystérieuses, parfois saisonnières, de syndromes « polio-like », ayant touché quelques centaines de personnes par exemple en Californie dans les années 1930 ou en Islande dans les années 1940. Des épisodes non élucidés pour lesquels un syndrome post-infectieux est suspecté.

Vers un changement de mentalité

Plus récemment, d’autres syndromes post-infectieux ont été identifiés. À commencer par des troubles fonctionnels notamment intestinaux secondaires à des infections dues à la consommation d’eaux contaminées. Ainsi, à Bergen, en Norvège, où 1 262 personnes ont été touchées par une épidémie de giardiase en 2004, plus de 40 % des malades interrogés 18 mois plus tard ont rapporté de la fatigue, 10 % un syndrome d’intestin irritable et près de 10 % des conséquences fonctionnelles : perte d’emploi, difficultés scolaires, etc.

Des symptômes prolongés ont aussi été observés à la suite d’infections tropicales ou émergentes. À l’instar du chikungunya lors de l’épidémie de 2005-2006, avec des arthro­myalgies prolongées et des syndromes de fatigue idiopathique chronique parmi les personnes ayant développé une infection symptomatique. Et alors que la dengue « est à nos portes », souligne le Dr Goehringer, un syndrome post-dengue avec asthénie, faiblesse généralisée, etc., pourrait alourdir nettement le fardeau lié à la maladie.

Également concernées, les infections à Streptococcus pyogenes, la fièvre Q et la maladie de Lyme, etc.

Aussi, il n’est plus possible de « nier l’existence des personnes malades, qui ont des symptômes », juge le Dr Goehringer. Et si les mécanismes physiopathologiques restent à élucider et les prises en charge à formaliser, un changement de mentalité doit d’ores et déjà être opéré, suggère-t-il : à ses yeux, la prise en charge des pathologies infectieuses aiguës doit être considérée à l’aune de la prévention des syndromes post-infectieux.


Source : Le Généraliste