Appendicite : l'antibiothérapie, une alternative à la chirurgie en période de crise ?

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Publié le 08/10/2020
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Crédit photo : BURGER/PHANIE

Peut-on soigner une appendicite sans recourir à la chirurgie, par un traitement antibiotique ? Dans un contexte de crise sanitaire menant à la saturation des hôpitaux, à la déprogrammation de nombreuses opérations et à la recherche d’alternatives à la chirurgie, un collectif de chirurgiens américains apporte, dans une étude randomisée publiée dans le New England Journal of Medicine, un nouvel éclairage sur cette vieille question.

Le traitement de l’appendicite, chirurgical ou médicamenteux, fait en effet débat depuis plus de 60 ans. Mais la plupart des investigations menées pour nourrir ces discussions ont été conduites sur des cohortes réduites desquelles les patients présentant un stercolithe, facteur de complication courant de l’appendicite, ont trop souvent été exclus. Afin de dépasser ces limites, les auteurs de ce nouveau travail ont alors comparé les performances des deux types de traitement, chirurgical ou médicamenteux, sur une cohorte plus importante de 1 500 adultes incluant des patients présentant un stercolithe.

En pratique, 776 adultes pris en charge en urgence pour appendicite ont subi une appendicectomie laparoscopique, et 776 autres individus ayant reçu le même diagnostic ont reçu pendant 10 jours des antibiotiques d’abord par voie intraveineuse (pendant les 24 premières heures) puis par voie orale. Tous ont été suivis pendant 3 mois.

Résultat : si l’antibiothérapie semble constituer un traitement efficace de l’appendicite à court terme, la fréquence des complications observée à trois mois apparaîtrait trop importante pour faire évoluer les recommandations actuelles en population générale, analyse l’auteur d’un éditorial publié dans la même revue.

L'antibiothérapie "non inférieure" à la chirurgie, à 30 jours...

Selon les résultats de l'étude du NEJM 30, un mois après l’intervention thérapeutique, l’état de santé des patients traités par antibiotiques était comparable à celui des patients traités chirurgicalement. Au cours de ce premier mois, la résolution des symptômes aurait par ailleurs été aussi rapide chez les patients traités par antibiothérapie que chez ceux ayant subi une appendicectomie. À très court terme, il semble donc que l’antibiothérapie puisse constituer une alternative efficace et sûre à la chirurgie.

... mais associée à plus de complications à 3 mois 

Cependant, la fréquence des complications et des ré-hospitalisations observées sur une plus longue durée dans le bras antibiothérapie nuance ces résultats.

Les « complications ont été plus courantes dans le bras antibiotique que dans le bras appendicectomie », admettent en effet les auteurs : 8 % des patients ayant reçu un traitement initial médicamenteux ont présenté des complications, contre 3 % des patients opérés d’emblée. En corollaire, le bras antibiotiques a suscité plus de visites en urgences et de réhospitalisations que le bras appendicectomie : à 90 jours, près de 30 % des patients traités par antibiotiques – dont un nombre non négligeable de patients présentant un stercolithe – ont finalement été opérés.

Des résultats à interpréter avec prudence

Est-ce à dire que le traitement chirurgical de l’appendicite doit être systématiquement privilégié ?

Il existe deux façons de lire les résultats de cette étude, suggèrent les auteurs. Si on peut retenir que, dans le groupe antibiotiques, près d'un tiers des patients a finalement dû subir une appendicectomie en urgence, on peut également considérer que dans ce bras de volontaires majoritairement traités en ambulatoire, « 7 patients sur 10 ont évité la chirurgie », soulignent-ils.

« Considérant que l'appendicectomie […] est une thérapie très efficace, je pense que la plupart des soignants continueront de recommander un traitement chirurgical pour l'appendicite non compliquée », estime pour sa part l’auteur de l’éditorial. Cependant, les circonstances comptent, souligne-t-il. Et dans le cadre exceptionnel d’une pandémie conduisant à la saturation des hôpitaux et à l’indisponibilité des blocs opératoires, le traitement médicamenteux de l’appendicite pourrait apparaître plus intéressant que dans un contexte habituel.

 


Source : lequotidiendumedecin.fr