Brève

Patrick Pelloux (Amuf) : « L'hôpital de demain a un avenir radieux si nous lui donnons des règles »

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Publié le 02/07/2020
Patrick Pelloux, président de l'Amuf, était l'invité d'une table-ronde intitulée « La parole à l’hôpital : l’hôpital demain, sa gouvernance, le sens du travail » organisée le 2 juillet par le Cese. Verbatim.
Amuf

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Crédit photo : Cese

"À l'hôpital, la situation est un peu difficile aujourd'hui en raison de la désespérance du personnel. Car quelqu'un a dit : « Quoi qu'il en coûte ». Et nous y avons cru. Ce n'est pas facile de savoir ce qui va sortir du Ségur. À l’instar des ALD, l'hôpital est malade d'une maladie que l'on n'a pas reconnue pour l'instant. Or il faut reconnaître une maladie pour pouvoir la soigner. Quels en sont les symptômes ?

Manque de démocratie

Premièrement, son manque de démocratie : comment se fait-il que le président du Cnom est élu par tous les médecins et que les doyens des facultés de médecine ne sont élus que par quelques personnes ? Quand on voit le poids des doyens qui ont le droit d'écoute des différents ministères, cela ne serait pas si mal que la démocratie rentre dans l'hôpital et l'univers universitaire. Ce dernier d'ailleurs a donné une image pitoyable pendant cette crise du coronavirus avec la chloroquine le lundi, pas le mardi, peut-être le mercredi… et des querelles de chapelle entre celle de Marseille et celle de Paris. Nous avons organisé un congrès virtuel d'urgences international et je reçois ensuite des mails d'insultes d'universitaires qui sont contre ce type d'événement. Deuxième pilier, les maires doivent retrouver tout leur sens au sein du conseil de surveillance.

40 % de lits fermés à cause de la crise

Troisième axe, il y a un vrai problème sur les moyens donnés à l'hôpital, surtout après la crise qu'on a vécue dans les services de réanimation : on est allé un peu trop loin dans les restructurations. Exemple aujourd'hui, avec la fermeture des chambres à deux lits pour éviter la contagiosité dans les hôpitaux, au final désormais 40 % des lits sont fermés. Or l'embouteillage aux urgences n'est pas un problème, mais une solution. Simplement on les a mal employées à cause d'une loi totalement inique qui n'a pas remplacé la permanence des soins en 2002. Depuis on est en train de ramer pour savoir comment réorganiser la permanence des soins et surtout l'accès aux soins non programmés.

Querelles de chapelle

Et pourtant nous avons des idées en France à l'image de la start-up Doctolib. Il faut juste que chacun parvienne à faire un pas vers l'autre et que les querelles de chapelle s'effacent derrière le bien commun qui est le malade. Celui-ci est maltraité car il n'y a pas assez de lits d'aval et pas d'accès aux soins de base. Concernant la gestion de la crise, nous n'avons pas été aussi mal que ça. Le seul problème relevé a été l'inadéquation entre les moyens et les besoins. Car nous avons trop baissé la voilure sur l'hôpital public, trop méprisé les personnels, trop fermé de structures hospitalières pour faire des regroupements ; avec ce type de mesures, nous avons créé notre propre crise. Si vous voulez voir la température d'une société, vous regardez la situation de ses urgences. Nous devons définir la médecine de demain à partir de ses trois piliers, le médical, le psychiatrique et le pédiatrique. Le médico-psycho-social est une véritable implication de la modernité de la médecine.

La nuisance n'est pas le meilleur exercice du pouvoir

Les hôpitaux doivent-ils toujours être organisés avec des services par spécialité ? Pendant la crise, nous avons constaté que les services étaient la cellule la plus efficiente pour faire le management. Alors gardons-les ! Toutefois, il nous faut inventer la souplesse du nombre de lits d'hospitalisation. Nous avons déjà l'expérience en période de bronchiolite pendant laquelle les pédiatres ont réussi à créer un système de lits-accordéons en créant le nombre de lits nécessaires, puis à rebaisser leur quantité une fois l'épidémie passée. Il nous faut arriver à la même chose pour les adultes dans le but d'augmenter la capacité des plateaux techniques. Il existe des tas de petites solutions faciles à mettre en place. Ce qui n'est pas facile, ce sont ceux qui sont arc-boutés sur un semblant de pouvoir et qui pensent que la nuisance est le meilleur exercice du pouvoir. L'hôpital de demain a représenté un énorme coussin amortisseur à la fois pour l'épidémie que nous venons de vivre et pour les maux de la société. Il a un avenir radieux devant lui, mais c'est à nous de lui donner des règles."

 


Source : lequotidiendumedecin.fr