Entre les forums anxiogènes, les diffusions des fausses informations et les vulgarisateurs à la pointe de la science… Le patient peut facilement se perdre sur les réseaux sociaux. Résultat : « Nous passons un temps important en consultation à répondre à des questions véhiculées sur les réseaux, des "on m’a dit que" », raconte le Dr Élise Fraih, vice-présidente en charge des médecins installés de ReAGJIR, lors des Rencontres nationales organisées par le syndicat.
Dans ce contexte, des professionnels de santé relèvent le défi d'assurer un partage des connaissances médicales fiable et accessible. C’est le cas de « To be or not Toubib », médecin dans un service d’urgences pédiatriques, 250 000 followers sur Facebook. « Il y a 3 ans, je me suis lancé dans la création de fiches pour aider les parents à comprendre les maux de leurs enfants, et orienter soit vers le généraliste soit vers les urgences. Pour moi, la prévention et l’éducation passent par l’humour », raconte l’influenceur, qui mise sur des messages vulgarisés, bourrés d’analogies, et sans paternalisme. « On ne se rend pas compte qu’en tant que médecin on est totalement incompréhensible pour beaucoup de patients », ajoute-t-il.
L’exercice est parfois périlleux et la malveillance règne. « En pédiatrie, ça fourmille de fausses informations sur internet, c’est un champ de bataille ! J’ai régulièrement des menaces de morts. Sur les réseaux nous sommes des punching-balls. J’ai par exemple banni tous les anti-IVG de ma page », déplore le médecin qui explique avoir renoncé à parler allaitement. Trop clivant.
L'Ordre, « complice de ce qui se passe »
Le Covid a marqué l’apothéose de la diffusion des fausses informations médicales. Presque un cas d’école, alors que la majeure partie de la population était pourtant à la recherche de données sourcées et fiables. « On ne va pas laisser faire les antisciences sur les réseaux », adjure To be or not Toubib, qui pointe du doigt le rôle des médecins dans le marasme des fakemed. « Nous, médecins, sommes responsables. Ceux qui ont propagé les fake news sont médecins : ils s’appellent Raoult, Wonner, Fouché… » Et d’accuser tout de go « l’Ordre, complice de ce qui se passe, qui laisse les choses se propager. Personne n’est puni ! ».
Faut-il baisser les armes face au complotisme numérique ? « Battez-vous », répond plutôt l’influenceur, qui conseille à tout médecin de se constituer « un répertoire de sources fiables – et pas du tout fiables – à donner au patient. Abonnez-vous également aux médecins vulgarisateurs sur les réseaux ».
Aborder les questions taboues
Éduquer et sensibiliser le patient sur le web, c’est aussi le credo de Cécile Letscher, sage-femme en région parisienne et membre des « Pipelettes », forum animé par 250 sages-femmes 24 heures/24. « C’est un tchat complètement crypté et sécurisé, anonyme, où nous répondons aux questions sur la santé sexuelle, la gynéco… », précise Cécile Letscher. Ici, l’anonymat, tant diabolisé sur les réseaux sociaux, a du bon : « les patients posent les bonnes questions, des questions taboues, sans jugement », souligne la sage-femme. En fin de consultation, elle invite même ses patientes à venir l'interroger sur le tchat, pour des questions plus intimes.
Contrairement à la pédiatrie, « le milieu de la sexo est assez ouvert et peu de fausses informations circulent », se réjouit Cécile Letscher, qui précise que ce qui manque le plus sur les réseaux sociaux, ce sont des informations médicales neutres.
Face à la malveillance et les injures, les deux influenceurs gardent le cap. « Ce qui m’aide à continuer ce sont les patients, voir qu’ils adhèrent petit à petit aux idées scientifiques », admet Cécile Letscher. « Si on abandonne sur les fake news, on abandonne définitivement nos patients et ce n’est pas tolérable », rétorque To be or not Toubib. Tous deux entendent poursuivre leur travail de vulgarisation, contre vents et marées.
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