Dispositifs anti-Covid : le respect des droits individuels malmené à travers le monde, rapporte le Conseil de l'Europe

Par
Publié le 14/10/2020
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : PHANIE

Souvent développés dans l’urgence, les dispositifs de suivi des personnes contaminées par le Covid-19, et notamment les applications de traçage, ont pris presque partout de grandes libertés avec les conventions internationales destinées à protéger la confidentialité et les données personnelles, constate le Conseil de l’Europe dans un rapport publié lundi 12 octobre à Strasbourg.

Cette étude se base sur les enquêtes effectuées dans 55 pays, en Europe, en Afrique et en Amérique Latine, signataires de la Convention 108 du Conseil de l’Europe sur la protection face aux traitements automatisés des données à caractères personnel, seul instrument juridique international contraignant existant dans ce domaine. Elle montre que de nombreux pays se sont affranchis des règles de protection qu’ils avaient pourtant décidées… mais qu’ils ont souvent dû faire partiellement ou totalement marche arrière ensuite, en raison de l’opposition de juridictions ou de Parlements, et aussi de mouvements de citoyens et d’organisations non gouvernementales (ONG).

Surveillance par drone, caméras thermiques, e-bracelets

La surveillance des rues par drone pendant le confinement, expérimentée dans plusieurs pays, a été la mesure la plus critiquée, et a été rapidement abandonnée en France et en Grèce après des arrêts rendus par des juridictions. À l’inverse, la Croatie et la Tunisie ont même équipé leurs drones de caméras thermiques, plusieurs pays ayant aussi installé des scanners thermiques à l’entrée de certains lieux publics, ou mis en place des caméras de reconnaissance faciale, comme la Russie.

La France avait, elle, développé un logiciel destiné à vérifier que les voyageurs du métro portaient un masque, cassé lui aussi par la justice avant sa mise en service. L’imagination des pays européens a parfois été sans limite et le Liechtenstein, prenant exemple sur Singapour, a même développé des e-bracelets enregistrant la température et d’autres données de santé lisibles à distance. Ils sont actuellement testés sur 2 000 volontaires, soit près de 7 % de la population totale de la Principauté. Chypre et la France s’intéressent aussi à de tels projets, alors que la Belgique y a renoncé.

Applis de traçage, des garde-fous

La question des applications de traçage constitue l’autre grande partie du rapport. Sur les 55 pays étudiés, seuls cinq ont renoncé à en mettre une en place. Tous les autres se sont dotés de cet outil, basé pour 14 d’entre eux sur une procédure dite centralisée, c’est-à-dire aboutissant à des serveurs centraux dépendant des autorités sanitaires, et pour les 26 autres sur une procédure décentralisée, réputée plus respectueuse de la confidentialité. La France fait partie des pays « centralisés », à l’inverse de la plupart de ses proches voisins, mais a dû, comme l’Italie et la Belgique, revoir son projet avant de le lancer, notamment à la suite d'injonctions de la CNIL. Notons que l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Norvège avaient eux aussi élaboré des applis centralisées, avant de revenir à des modèles décentralisés.

Dans quelques pays, ces applications sont parfois « enrichies » d’autres fonctions permettant une surveillance plus stricte des quarantaines, comme en Argentine, au Mexique, en Hongrie ou en Russie.

En conclusion, le Conseil de l’Europe regrette que les États n’aient pas profité de l’occasion pour développer une véritable coopération scientifique et technique autour des méthodes de détection des cas et de protection des personnes. Enfin, il rappelle l’importance d’une meilleure transparence en ce qui concerne l’élaboration des outils numériques de lutte contre le Covid-19, qui renforcera tant leur efficacité que leur acceptation par les populations. 

Denis Durand de Bousingen

Source : lequotidiendumedecin.fr