Sept téléconsultations sur dix dans les pôles urbains, pas de recette miracle dans les déserts

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Publié le 08/12/2022

Crédit photo : Garo/Phanie

Alors que les généralistes ont effectué 9,4 millions de téléconsultations en 2021, la pratique ne bénéficie pas particulièrement aux zones rurales ou désertées. Selon une étude de la direction statistique du ministère de la Santé (Drees) publiée ce jeudi, sept téléconsultations sur dix sont mêmes réalisées dans des pôles urbains.

Pour arriver à ses conclusions, la Drees a passé au crible les données d’activité des 60 000 généralistes libéraux sur les années 2020 et 2021. Et leurs conclusions sont sans appel : « l’activité de téléconsultation est particulièrement centrée sur les territoires urbains, notamment Paris et sa banlieue », résume Julie Kamionka, chargée d'études sur l'accès aux soins à la Drees.

Pas d'explosion dans les déserts

Malgré les appels du pied des plateformes commerciales pour se poser en rempart contre les difficultés d'accès aux soins dans les campagnes, seules 18 % des consultations à distance ont concerné des patients résidents dans des territoires ruraux en 2021. Alors qu’ils représentent près d’un tiers de la population française.

La capitale est particulièrement friande de la visio, selon la Drees. Ainsi, près de 6 % de toutes les téléconsultations réalisées en France se font avec un patient parisien, contre 2 % en présentiel.

Téléconsultation 1

 

Or, si l’urbanisation « ne présume pas de l'accès au soin », rappelle Julie Kamionka, les conclusions sont similaires dans toutes les zones sous-denses. En 2021 toujours, les parts de téléconsultations et de consultations en cabinet réalisées dans les territoires selon leur densité médicale sont proches. 23 % des téléconsultations sont faites avec les 20 % de la population les mieux dotés en médecins généralistes, tandis que 18 % sont réalisées avec les 20 % les moins bien dotés. « Ces résultats suggèrent que les téléconsultations n’en sont pas particulièrement utilisées pour compenser une offre de soins moins élevée en généralistes », résume ainsi Julie Kamionka.

Des généralistes jeunes et urbains

La Drees dessine ainsi le profil type du patient qui téléconsulte : plus jeune, plus féminin et plus urbain que la moyenne. Près de la moitié des visios sont réalisées avec des patients de moins de 44 ans, contre 29 % des consultations en cabinet. « Ces patients sont aussi moins précaires », insiste Julie Kamionka. 11 % de l’activité à distance profite à un bénéficiaire de la complémentaire santé solidaire (CSS, ex CMU-C), contre 14 % en cabinet.

Les confrères adeptes de la téléconsultation sont, eux aussi, plus jeunes et plus urbains, poursuit la Drees. Alors que 77 % de l'ensemble des médecins de famille affirment avoir déjà fait une téléconsultation, cette part grime à 80 % pour les généralistes exerçant en ville. Et même à 85 % pour ceux qui exercent en pluriprofessionnel. « Les médecins qui exercent en groupe sont peut-être plus enclins à tester de nouvelles organisations de travail, de nouvelles pratiques », imagine Maxime Bergeat, chargé d'études sur les médecins généralistes à la Drees.

La visio représente 12 % de l'activité des parisiens

Toutefois, malgré un boom pendant les vagues épidémiques, « la pratique reste marginale en comparaison des consultations en cabinet », note Julie Kamionka. En moyenne, 3,7 % de l’activité totale des généralistes libéraux était réalisée en visio. « C’est même moins que les visites à domicile ! », souligne-t-elle.

Là encore, une fracture forte s’opère entre praticiens des zones rurales et et parisiens. Dans la capitale, la téléconsultation représente 12 % de l’activité des généralistes, contre 2 % dans les campagnes.

 

Teleconsultation 2

 

Avis sévère

Au-delà de son étude quantitative, la Drees a également dressé un panorama de l’opinion des généralistes sur cette pratique. Une enquête a été menée entre janvier et avril 2022 sur 1 500 médecins et montre que les confrères « ont un avis sévère » sur la téléconsultation, indique Maxime Bergeat.

Aussi, 46 % des généralistes sondés se déclarent « pas du tout » ou « peu » satisfaits de leur pratique à distance, 38 % sont « moyennement » satisfaits, et seulement 16 % très satisfaits. La moitié d’entre eux pense d’ailleurs arrêter la téléconsultation à la fin de l’épidémie.

Vent en poupe pour les centres de santé

Enfin, la Drees s’est intéressée aux médecins des centres de santé. En 2021, ces généralistes salariés ont réalisé 1,1 million de téléconsultations. Un chiffre en augmentation de 83 % depuis 2020, « porté par les centres de santé spécialisé dans la téléconsultation », souligne Maxime Bergeat, dont les plateformes commerciales qui salarient des médecins pour réaliser des téléconsultations dans des bornes ou des cabines.

Ces structures dédiées uniquement à la téléconsultation représentent moins de 1 % des centres de santé à l’échelle nationale mais concentrent à elles seules 73 % des téléconsultations réalisées par des centres de santé en 2021. À nouveau, ce sont les patients jeunes et des périphéries parisiennes qui téléconsultent largement auprès de ces centres. Le budget de la Sécu pour l'année prochaine prévoit d'ailleurs leur encadrement.


Source : lequotidiendumedecin.fr