Le recours à la télémédecine peut-il réduire massivement les coûts de santé ? La réponse est « oui », selon la société IQVIA qui a mené une étude inédite pour l'association des Laboratoires japonais présents en France (LaJaPF). Chiffres à l'appui, elle démontre du moins que les « marges d'économies sont significatives pour l'Assurance-maladie » dans le cadre de la prise en charge de trois pathologies chroniques : l'hypertension artérielle (HTA), le cancer de la prostate et le diabète de type 2.
En partenariat avec l'unité de pharmaco-épidémiologie de l'Université de Lyon, la méthode choisie par IQVIA a été la suivante : sélectionner des publications traitant de l'impact de dispositifs de télémédecine sur le recours aux soins dans chaque pathologie ; identifier pour chaque pathologie la population cible et le dispositif de télémédecine utilisé puis comparer aux coûts du recours aux soins sans la télémédecine (grâce aux données de l'EGB – échantillon généraliste de bénéficiaires).
Trois scénarios
Les résultats sont prometteurs. Pour l'HTA, le scénario retenu est le contrôle à distance par télésurveillance de la pression artérielle des patients contrôlés depuis au moins 6 mois. Le nombre de patients potentiellement concernés est d'environ 1, 63 million. En comparant avec les données en vie réelle, l'étude démontre que la télémédecine permet une économie potentielle de 197 euros par patient et par an – soit 322 millions d'euros par an (14 % de la dépense actuelle). Les gains sont obtenus par une baisse des coûts de médicament (55 millions), des consultations généralistes (156 millions) et des consultations infirmières (112 millions d'euros).
Concernant le cancer de la prostate, l'étude a retenu deux modèles. Pour les patients ayant subi une prostatectomie depuis au moins 3 mois (6 765 patients), l'intervention par téléconsultation d'un urologue permettrait de réduire de 98 % le coût de transport des patients et de 100 % celui lié aux arrêts de travail, avec en revanche une hausse de 3 % du recours aux infirmiers. L'économie réalisée est de 641 euros par patient et par an (soit environ 4,3 millions d'euros au total). Pour les patients traités par hormonothérapie et/ou chimiothérapie en ville (cible de 41 570 patients), la téléconsultation avec l'urologue permet un gain annuel de 529 euros par patient, soit 22 millions d'euros par an.
Pour les patients atteints de diabète de type 2 avec suspicion de rétinopathie, la télé-expertise avec l'ophtalmologue aboutit à une baisse de 73 % des consultations ophtalmos, de 24 % des examens complémentaires et de 71 % des coûts de transports. Ce scénario permet de dégager 539 euros d'économies par patient par an, soit 8 millions d'euros.
Investissement limité
Pour démontrer que la télémédecine réclame un « investissement limité » et « est finançable », l'étude propose de consacrer « arbitrairement » 50 % des économies dégagées pour chaque pathologie au financement des équipements et outils connectés.
Par exemple, dans le cadre d'une prise en charge des patients HTA, la télésurveillance, le coût devra intégrer le dispositif d'automesure communiquant, l'amortissement de la plateforme en ligne, un hébergement sécurisé de données… Selon l'étude, pour avoir un retour sur investissement, l'enveloppe consacrée à ces équipements ne devrait donc pas coûter plus de 99 euros par an et par patient (50 % des 197 euros économies dégagés).
De la même façon, dans le cadre de la télé-expertise avec l'ophtalmologue pour la prise en charge de la rétinopathie diabétique, l'enveloppe maximale allouée aux équipements et outils connectés s'élève à 270 euros par patient et par an.
Pour l'économiste de la santé Claude Le Pen, cette étude d'impact montre que la télémédecine doit s'inscrire dans une approche « au cas par cas ». En clair, si des incitations financières doivent être négociées, mieux vaut imaginer des tarifications à la carte, en fonction des pathologies.
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