Prévention des chutes en gériatrie

Une approche multifactorielle

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Publié le 04/06/2018
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chute en geriatrie

chute en geriatrie
Crédit photo : Phanie

Un sujet âgé sur deux chute au moins une fois par an. Comment prévenir ces chutes ? En 2014, l’équipe de la Harvard Medical School du Pr Lipsitz (1) à Boston avait répertorié trois profils de chuteurs. Les repérer semble pertinent car ils relèvent de stratégies de prévention différentes. Pour ces auteurs, la chute du sujet âgé peut être temporaire, symptomatique d’une maladie aiguë ; de plus en plus fréquente chez un patient autonome (liée à une pathologie chronique à équilibrer : diabète, troubles cognitifs…) ; ou chronique récurrente, témoin d’une perte d’autonomie et très sensible aux actions de prévention plurifactorielles.

« La prévention plurifactorielle, plébiscitée chez le patient âgé en perte d’autonomie combine aménagement de domicile, nouvelles technologies, prévention du syndrome post-chute, supplémentation en vitamine D… », note le Pr Achille Tchalla, gériatre au CHU de Limoges.

Éviter la perte de chance

La téléassistance récupère les signaux domotiques du domicile. Elle peut déclencher l’intervention de pompiers, SAMU, aidants et éviter un trop long séjour au sol. Restait à en prouver l’intérêt. L’étude prospective Esoppe (2) chez 194 sujets fragiles est la 1re à avoir validé l’intérêt sur le risque de chute à domicile d’un équipement domotique (chemin lumineux, interphonie déportée, bracelet électronique, tirette de douche, détecteurs de fumée et gaz) couplé à une téléassistance (contre groupe contrôle sans domotique ni téléassistance). Le risque de chute diminue dans le groupe équipé versus contrôle (30 % vs 50 %, p = 0,0012, OR = O, 33 ; IC 95 % [0,17-0,65]). Chez 96 malades atteints d’Alzheimer (3), un équipement similaire (chemin lumineux, interphonie déportée, bracelet électronique) avec téléassistance diminue également les chutes versus contrôle (32,7 % vs 63,8 %, p = 0,0245 OR = 0,37 ; IC 95 % [0,15-0,88]). Ces dispositifs sont très bien acceptés (97,3 % chez les sujets âgés fragiles, 95 % chez les malades d’Alzheimer).

Les chutes graves ont surtout lieu la nuit quand le patient se lève pour aller aux toilettes. « Le chemin lumineux détecte le lever, s’allume instantanément, n’éblouit pas et guide vers les toilettes. Ce kit de bricolage s’installe facilement. Ne pas conseiller d’aménager par domotique et téléassistance le domicile d’un sujet âgé qui a chuté ou vit seul est une perte de chance », estime le Pr Tchalla.

Rendre service aux aînés

L’équipe de recherche « EA 6310 HAVAE » et la Chaire académique « E-santé, bien-vieillir et autonomie » de l’Université de Limoges évaluent en lien avec le living lab « Autonom’lab » les besoins réels en nouvelles technologies du sujet âgé (poly-pathologique, isolé ou physiquement diminué) et l’usage qu’il peut en faire. Au CHU de Limoges, une unité de médecine d’urgence personne âgée (MUPA) évite d’hospitaliser systématiquement le patient âgé chuteur. Aux urgences, les nouvelles technologies validées sont recommandées ; si besoin, l’équipe mobile extrahospitalière UPSAV (Unité de Prévention de Suivi et d’Analyse du Vieillissement) évalue et aménage le domicile avec un ergothérapeute.

Et en EHPAD ou Unité de Réadaptation Cognitivo Comportementale ? « Dans 2 essais cliniques randomisés nous y avons évalué l’intérêt de caméras cryptées validées par le comité d’éthique pour prévenir les chutes graves. Elles enregistrent l’axe géométrique du corps. Toute chute (grave ou non) est recensée. Les mécanismes sont analysés pour proposer une stratégie de prévention adaptée. Les résultats sont très encourageants. La publication est attendue cette année », précise le Pr Tchalla.

(1) Tchalla AE. et al.,  PLoS ONE 2014;9(9):e106363 
(2) Tchalla AE. et al.,  Arch Gerontol Geriatr 2012;55(3):683-9 
(3) Tchalla AE. et al.,  Dement Geriatr Cogn Dis Extra 2013;3(1):417-25

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du médecin: 9670