Assistance médicale à la procréation

La vigilance doit être médicale et sociale

Publié le 14/06/2011
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Crédit photo : AFP

SELON LE BILAN de l’Agence de la biomédecine, l’assistance médicale à la procréation (AMP) a conduit, en 2008, à la naissance de 20 136 enfants, soit 2,4 % de l’ensemble des naissances. « Du fait de la limitation des indications imposée par la réglementation et de la structure de la demande en AMP, l’activité nationale depuis 2003 est stable », indique l’embryologiste François Thépot dans le BEH consacré à cette question (n° 23-24). L’évolution la plus notable observée est « l’utilisation de techniques de plus en plus sophistiquées ». La fécondation in vitro avec micro-injection de spermatozoïdes (ICSI) représente plus de 63 % des tentatives en 2008 contre58en 2004.

« Sur le plan qualitatif, les résultats enregistrés sur plusieurs années montrent une augmentation continue des taux de grossesses et de naissances avec, en revanche, une diminution du taux de grossesses multiple de haut rang », poursuit le généticien. Toutefois, malgré la réduction progressive du nombre d’embryons transférés, les taux de naissances gémellaires restent très élevés, « ce qui n’est pas sans risque pour la santé des mères et des enfants », rappellent les auteurs d’une étude dirigée par le Pr Pierre Jouannet. Pour y remédier, il faut donc envisager (et cela tend à devenir la norme chez les femmes les plus jeunes et les plus fertiles) de ne transférer qu’un seul embryon « choisi selon des critères morphologiques stricts, associé à un programme de congélation embryonnaire efficace ».

Des signalements croissants

En France, grâce au dispositif d’AMP vigilance, débuté en février 2007 par une phase test, l’Agence de la biomédecine a pu recommander des mesures correctives et préventives auprès des professionnels, indique Ann Pariente-Khayat dans un article du « BEH ». Jusqu’à fin décembre 2010, un total de 855 signalements d’incidents et d’effets indésirables a été enregistré. Le nombre de signalement est passé de 86 en 2007 à 350 en 2010. Depuis la mise en place du dispositif, 81 % des centres d’AMP et 5 % des laboratoires d’insémination artificielle ont notifié au moins un signalement au système d’AMP vigilance. La proportion de cas graves a été de 78 %. En moyenne, les effets indésirables représentent 70 % contre 30 % d’incidents.

Concernant la typologie des signalements, 15 % étaient relatifs à la perte de gamètes ou d’embryons, 18 % à un acte d’AMP et plus de la moitié à des événements relatifs à la simulation ovarienne ou au traitement associé. En 2007 et en 2008, deux signalements de décès par dissection aortique aiguë de jeunes femmes porteuses d’un syndrome de Turner, enceintes après un don d’ovocytes ont conduit l’Agence de la biomédecine à la diffusion d’une lettre d’information aux professionnels des centres d’AMP et à l’élaboration de recommandations de prévention et de prise en charge des patientes. Par ailleurs, les signalements de syndromes d’hyperstimulation ovarienne sévères et de thromboses ont conduit l’Agence de la biomédecine à mettre en place des actions spécifiques avec l’aide des professionnels.

Tourisme procréatique

Si le dispositif français « assure une protection maximum aux patients qui y ont recours », souligne François Thépot, certains sont contraints d’aller chercher des réponses ailleurs. Toutefois, le recours transnational « concerne aussi bien les exclus de l’AMP que des couples qui auraient toute légitimité à être pris en charge en France », note Virginie Rozée (INED), qui présente les premiers résultats d’une étude réalisée en France, Belgique, Grèce et Espagne. « Ce recours témoigne donc de nouvelles attentes mais aussi de demandes insatisfaites en matière d’infertilité en France », écrit la chercheuse.

Le numéro du « BEH » comprend également une enquête de cohorte rétrospective en France sur les chances d’avoir un enfant durant ou après une prise en charge pour fécondation in vitro (FIV). Au final, 70 % des couples (64 % selon l’estimation basse) ont réalisé leur projet parental durant ou après le traitement par FIV : 48 % grâce aux traitements médicaux en général, 11 % suite à une conception naturelle et 11 % en adoptant un enfant. Enfin, la santé des enfants conçus après AMP montre, malgré une augmentation significative du taux de malformations congénitales, des « risques absolus » qui sont « modérés et rassurants », estime Catherine Patrat (AP-HP). « Les données à plus long terme sont satisfaisantes, avec un développement staturo-pondéral et psychomoteur similaire à celui des enfants conçus naturellement », rapporte-t-elle. Mais le suivi de ces enfants est nécessaire « pour avoir une idée précise de leur développement à l’âge adulte, et notamment de leur fertilité ».

STÉPHANIE HASENDAHL

Source : Le Quotidien du Médecin: 8981