La Haute Autorité de santé (HAS) l’assure : elle n’a pas attendu l’affaire du Dr Méheut-Ferron, mis en examen pour avoir administré du midazolam à cinq patients, pour se pencher sur la question de l’accès, en particulier en ville, aux médicaments permettant de pratiquer une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès (SPCMD).
Dès 2017-2018, alors qu’ils préparent le guide « Comment mettre en œuvre une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès ? », les experts de la HAS constatent que les molécules utilisables pour obtenir cette sédation sont, hors autorisation de mise sur le marché (hors AMM) et sans information concernant les modalités d’utilisation dans cette situation.
En outre, ces médicaments sont d'accès compliqué en ville : depuis un décret de 2004, ils obéissent au régime de la rétrocession, qui permet à une pharmacie à usage intérieur d’un hôpital de dispenser un médicament à un patient non hospitalisé. « Nous attendions une évolution de la réglementation encadrant ces médicaments. Or, ne voyant rien venir, nous avons décidé de nous auto-saisir du sujet », explique le Dr Pierre Gabach, chef du service des bonnes pratiques professionnelles de la HAS.
La HAS ne se contente pas d’expliciter les modalités d’utilisation des médicaments de la sédation, à l’hôpital comme à domicile. Ce qui en soi n’est pas rien. « Avant, c’était au doigt mouillé, personne n’avait osé formaliser un protocole pour des utilisations hors AMM, très rares, deux ou trois demandes par an pour un généraliste impliqué dans la fin de vie », remet en perspective le Pr Pierre-Louis Druais, vice-président de commission. « Nous l'avons fait car la SPCMD est l'un des nouveaux droits ouverts par la loi Leonetti Claeys de 2016 », justifie le Dr Gabach.
La HAS demande aux pouvoirs publics de permettre la prescription et la dispensation en ville, notamment par les généralistes, des médicaments cités dans sa recommandation – et ceci, avec une prise en charge de l’Assurance-maladie. Elle réclame aussi l’évolution de la réglementation les encadrant, afin qu’ils puissent bénéficier d’une extension d’AMM ou d’une ATU pour cette utilisation. « Le ministère doit s’appuyer sur ces recommandations pour faire évoluer les choses », estime le Dr Gabach.
Midazolam en première intention
Dans le détail, la HAS préconise en première intention le midazolam (cette benzodiazépine utilisée en anesthésie), ou en cas de difficulté d’approvisionnement, le diazépam ou le clonazépam. L’administration se fait par voie intraveineuse ou sous-cutanée, avec une dose de charge initiale, puis une titration adaptée à la réaction du patient. En cas d’efficacité insuffisante (augmentation rapide des doses sans effet notable, ou non durable), la HAS préconise en deuxième intention deux neuroleptiques injectables : la chlorpromazine ou la lévomépromazine. Si la sédation est toujours inadaptée, la HAS propose de discuter d’un transfert en service spécialisé.
Ce schéma s’applique pour les sédations proportionnées (de profondeur et durée proportionnelles au soulagement du symptôme) comme pour les SPCMD au cours desquelles les traitements de maintien en vie sont arrêtés.
À domicile, associer les soins palliatifs
Au-delà de ce que prévoit déjà la loi pour pratiquer une SPCMD, la HAS pose des conditions supplémentaires à sa mise en œuvre à domicile : elle doit être précédée d’une procédure collégiale, un médecin doit être présent lors de la titration, il doit être joignable 24 heures/24 avec possibilité de visites médicales à domicile, le personnel doit être formé, une équipe ou un réseau de soins palliatifs doivent être associés - ne serait-ce que par téléphone - même dans le cadre d’une hospitalisation à domicile, et il faut s’assurer de la disponibilité d’un lit de repli, de préférence en unité de soins palliatifs.
« Nous devons bien expliquer à la famille ce qu’est une sédation profonde et continue. Dire qu’on ne sait pas combien de temps cela peut durer, précise le Pr Druais. Si c’est insoutenable, c’est au médecin de décider d'une réhospitalisation, pour ne pas faire porter à la famille le poids de la culpabilité », ajoute-t-il. La HAS devrait poursuivre ses travaux sur la fin de vie, en abordant la question de la sédation chez l'enfant, et en participant à l'élaboration du futur plan des soins palliatifs.
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