Projet de loi de bioéthique

Une vitrification sème le trouble

Publié le 24/05/2011
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C’EST LE CENTRE d’assistance médicale à la procréation (AMP) Eylau-Muette, à Paris, qui l’indique dans un communiqué : « pour la première fois en France, une femme est enceinte de cinq mois après avoir bénéficié de la technique de vitrification des embryons ». Le communiqué précise que cette technique de congélation rapide a été autorisée pour les embryons dans le cadre de l’AMP par l’agence de la biomédecine en novembre 2010. Du côté de l’Agence, on nuance : le Conseil médical et scientifique n’a fait que reconnaître, d’après la littérature scientifique, l’intérêt de la vitrification embryonnaire. Cette technique vaudrait donc pour la conservation des embryons mais pas pour celle des ovocytes.

En novembre dernier, le Pr René Frydman avait également annoncé une première française : la naissance de jumeaux après congélation d’ovocytes. Mais, faute d’alternative, c’est la congélation traditionnelle qui avait été utilisée. Assimilée à de la recherche sur l’embryon, la vitrification des gamètes, pourtant reconnue comme plus performante, n’est pas permise en France (elle se pratique dans d’autres pays européens). « Le vrai problème est dans l’incohérence de l’autorisation d’une même technique pour l’embryon et pas pour l’ovocyte », a estimé le Pr Frydman.

Des mises en garde.

Les députés avaient décidé d’autoriser la vitrification des gamètes en première lecture de la révision de la loi bioéthique avant que l’article ne soit finalement retoqué. Le président de la commission spéciale sur la bioéthique, le député Alain Claeys, estime toutefois que l’autorisation devrait être rétablie en séance publique qui débute ce mercredi. S’agissant plus globalement de la recherche sur l’embryon, la décision des parlementaires semble plus aléatoire. En commission, les députés, à l’image des sénateurs, ont décidé d’opter pour une autorisation encadrée au lieu d’en rester à un régime d’interdiction dérogatoire. Dans une tribune intitulée « Bioéthique, ne franchissons pas la ligne rouge », 58 députés de la majorité dénoncent ce qu’ils considèrent comme étant de « graves dérives » et enjoignent la majorité à voter un texte qui « garantisse contre toute utilisation ou manipulation de la vie ». Une mise en garde partagée par le cardinal André Vingt-trois qui s’émeut « de la gravité des options retenues par le texte dans sa version actuelle ». Et parce qu’ils craignent « les pressions des firmes de biotechnologies » qui seraient « de plus en plus fortes à l’approche du vote final de la loi », trois députés UMP demandent la création d’une commission d’enquête parlementaire « sur les conflits d’intérêts potentiels en matière de biotechnologie ».

De son côté, le Dr Silvia Alvarez, du centre AMP Eylau Muette, rappelle simplement que « la vitrification des embryons, longtemps controversée, offre de nouvelles perspectives pour les couples ayant des problèmes de fertilité et pour les femmes qui, pour des raisons de santé, doivent remettre leur projet de maternité à plusieurs mois voire plusieurs années comme dans le cas d’un traitement contre le cancer. La prochaine étape sera d’obtenir l’autorisation en France de la vitrification des ovocytes, technique, elle aussi, très efficace », espère la gynécologue. Selon les résultats obtenus par ce centre, « le taux de survie des embryons après congélation lente était de 71 %,il est de 84 % après vitrification ».

 STÉPHANIE HASENDAHL

Source : Le Quotidien du Médecin: 8969