Éditorial

Agnès et Maggie

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Publié le 26/06/2020

Mais qu’allait-elle donc faire dans cette galère ? Agnès Buzyn mettra sans doute dimanche un terme à une aventure politico-électorale, qui était dès le départ mal engagée. Il y a quatre mois, ce 16 février, celle qui avait fait jusque-là presque un parcours sans faute comme ministre de la Santé décidait de s’engager in extremis dans une bataille municipale qui semblait pourtant perdue d’avance pour LREM, affaiblie par une dissidence mortifère à Paris et par l’abandon de sa tête de liste. Cette démission inopinée, les amicales pressions de l’Élysée, mais aussi l’envie de jouer dans la cour des grands et peut-être le soulagement de quitter un navire hospitalier en pleine tourmente devaient amener la ministre de la Santé à accepter de relever le gant.

La suite fut plutôt désastreuse pour elle, largement distancée au 1er tour par ses rivales et boudée par les sondages. Et ses atermoiements – rappelant ses hésitations à quitter l’avenue de Ségur à la veille d’une épidémie historique — n’arrangèrent rien… Après un faux départ pour le scrutin européen, l’ex patronne de la HAS a donc raté sa reconversion en politique. Et ses explications pendant le confinement n’ont pas convaincu. Pis ! Si son successeur, Olivier Véran s’est plutôt bien sorti de cette pandémie, l’hématologue fait presque figure de bouc émissaire : apparaissant à son corps défendant comme celle qui savait et qui n’a rien fait.

Ce procès est excessif. Mais la leçon à retenir est double : on ne quitte pas son ministère en pleine crise sanitaire quand on est un expert et on n’improvise pas une campagne électorale quand on n’a jamais été confronté au suffrage universel. Et de fait, la bataille de Paris a été une épreuve pour Agnès Buzyn, sans cesse ramenée à sa désertion du ministère de la Santé. Elle pourrait méditer la leçon de son homologue belge, le Dr Maggie de Block dont certains réclament la démission et qui rétorque à ses détracteurs : « Je suis médecin : quand le patient va mal, ce n'est pas le moment de fuir ».

Jean Paillard

Source : Le Quotidien du médecin