DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE
LE GOUVERNEMENT L’EXIGE, c’est écrit noir sur blanc dans la loi de 2011 : les médecins généralistes anglais (GP), rassemblés en groupements régionaux (commissions d’attribution cliniques), doivent planifier, organiser et budgétiser les dépenses de soins. Le motif ? Localement, ce sont ces médecins de famille qui connaissent mieux que quiconque les besoins de leurs patients en matière de santé. Le pari est simple : les généralistes sont en mesure de choisir (et d’acheter pour le compte de leurs patients auprès des hôpitaux ou des centres privés) les prestations, services et médicaments au meilleur prix. L’objectif est de rendre le service de santé plus efficient, d’améliorer la qualité…et de faire au passage des économies conséquentes (encadré).
Le gouvernement promet même un « bonus » aux généralistes qui ne dépassent pas le budget alloué, sorte de prime à la performance économique. Un système que conteste fermement le Dr Clare Gerada, représentante des médecins de famille au sein du « Royal College of General practitioners », et qui fausse le rapport au patient. « C’est la question de la confiance et de la crédibilité des praticiens qui entre ici en jeu. Un médecin doit se concentrer sur des décisions cliniques et non penser à l’argent à économiser ! Le patients pourrait sinon croire qu’il est bien plus intéressé par l’appât du gain que par son propre cas ».
Pour David Turner, membre de la commission parlementaire sur la santé à la Chambre des communes, les généralistes subissent directement la pression des commissions d’attribution cliniques auxquelles ils appartiennent : « On leur fait comprendre que leur participation à ces commissions est obligatoire. Sinon, ils ne pourront plus faire partir du réseau du NHS, donc d’avoir le droit d’exercer ». À ce petit jeu, très peu de médecins risquent de se brûler les ailes. Ceux qui n’ont pas voulu entrer dans le moule ont pris une retraite anticipée.
La loterie au code postal.
Nombre de généralistes ne débordent pas d’enthousiasme, voire sont hostiles à occuper de plus en plus des fonctions de « gestionnaire » qui les éloigneront à coup sûr de leur cœur de métier. « C’est surtout ennuyeux ! Ce qui leur plaît, c’est de voir les patients et non de courir de réunion en réunion et de s’occuper de chiffres », explique Clare Gerada. « Noyés » dans la bureaucratie, beaucoup n’ont plus le temps d’offrir un bon niveau d’écoute et de qualité de soins. Contraints de justifier les dépenses et surtout les dépassements de budget, ils sont parfois incités à sélectionner les patients qui doivent être soignés en priorité, reléguant à plus tard les cas plus « secondaires ».
Dans ces conditions, certains jugent que l’accès égal au service de santé gratuit, qui faisait la force du NHS, est aujourd’hui menacé. Cette loi va accroître, outre les inégalités entre patients, les disparités entre les territoires, constate le député David Turner. « Cela contredit l’idée d’ajustement des services aux besoins locaux, juge-t-il. La qualité des soins dépendra essentiellement du lieu d’habitation. C’est ce qu’on appelle ici la loterie au code postal. Ainsi, à Londres, la qualité de soins sera bien meilleure qu’en zone rurale par exemple ».
Risque de faillite.
Il est enfin demandé aux médecins généralistes - qui subissent un gel de salaires depuis six ans - d’estimer le nombre de malades à soigner par pathologie. Une rationalisation impossible à appliquer. Pourtant, il le faudra...sous peine de dépasser le budget! Le non-respect de cette règle risque de conduire nombre de cabinets médicaux à la faillite, redoutent les médecins anglais. Selon Clare Gerada, « des commissions sous-traitent déjà le pilotage et la gestion des soins à des sociétés privées ». À présent, elle craint que le modèle anglais ne glisse vers un système à l’américaine à deux vitesses. Elle sourit et prévient : « Si le gouvernement continue à ne pas nous entendre, il peut s’attendre à ce que nous créons aussi notre Printemps… celui des généralistes ! »
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