Éditorial

Bon courage !

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Publié le 27/05/2022

Elle connaît sans doute mieux les acteurs de santé que ces derniers ne la connaissent. Brigitte Bourguignon, la nouvelle ministre de la Santé ne sera pas perdue avenue de Ségur, puisqu’elle y a emménagé il y a déjà 20 mois, pour s'occuper de la dépendance. Et elle maîtrise bien les dossiers sanitaires, ayant eu tout loisir de s'y confronter au début du premier mandat depuis la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale qu’elle présidait. Le challenge qui lui est désormais confié n'est pourtant pas simple à relever. Et d’abord parce qu’elle n’est pas médecin, ce qui est une première à ce poste sous ce quinquennat. Sans doute faut-il y voir une volonté pour l’exécutif de tourner au moins symboliquement la page pandémie à laquelle le Dr Véran était si étroitement associé et qui rappelle de bien mauvais souvenirs aux praticiens comme aux Français dans leur ensemble. Même si la crise n’est pas terminée, il fallait montrer qu’un nouveau chapitre allait pouvoir s’écrire désormais. La nouvelle ministre – qui fut la présidente de la commission d’enquête sur le Covid en tant que députée — va devoir tirer les leçons du séisme sanitaire que nous avons vécu. Il y a du pain sur la planche. Le malaise du secteur est patent et les attentes côtés professionnels sont énormes. Mme Bourguignon va très vite s’en rendre compte…

Il s’agira de consolider le système de soins, mais aussi de le faire évoluer. Car cette nomination augure par ailleurs d’un changement de cap, perceptible à l’intitulé du portefeuille qui pour la première fois mentionne explicitement « la prévention » dans les attributions du titulaire du poste. Voilà cinq ans déjà qu’Emmanuel Macron promet de rompre avec le tout curatif qui caractérise encore trop bien notre organisation de santé. Et la parenthèse de ces deux dernières années ne lui a pas permis de mener ce chantier à bien. Ce mandat est l’occasion ou jamais, de prendre ce virage et de réussir cette « révolution de la prévention » qui suppose non seulement des moyens, mais aussi un vrai changement des règles du jeu. Gageons que cette femme - qu'on disait meurtrie de n'avoir pas pu aboutir dans sa précédente mission sur la grande loi autonomie - aura à cœur d'avancer sur ce versant.

Le choix de Brigitte Bourguignon, qui fut assistante sociale dans une vie antérieure, a fait ses premières armes au Parti socialiste et est élue d'une circonscription plutôt populaire, est aussi un marqueur politique à destination de la population dans son ensemble. Piocher dans l’aile gauche de la majorité pour un ministère social, c’est plutôt bien joué de la part de Macron. À court terme, c’est un clin d’œil à l’électorat progressiste. À moyen terme, c’est un signal délivré aux blouses blanches en colère, alors que le monde de la Santé inquiet est secoué de vagues profondes de contestation. Dans ce contexte agité, on souhaite évidemment bon courage à la nouvelle ministre.

Jean Paillard

Source : Le Quotidien du médecin