En 2019, 130 811 patients se sont rendus dans un laboratoire de biologie médicale pour des analyses sans prescription préalable, selon une étude de Biogroup* sur un échantillon de 150 laboratoires de différentes régions.
Cette forte progression des demandes d'analyses sans ordonnance (+33 % sur an) est qualifiée « d'enjeu de santé publique » par le groupe qui a organisé un débat sur le sujet. Environ 20 % de ces requêtes sans ordonnance ont été « régularisées plus tard » par le patient, indique Laurent Kbaier, biologiste médical à Hyères (Var).
Le sujet est d'autant plus d'actualité que le remboursement de ces examens de biologie médicale à la demande du patient a été introduit à titre expérimental à la faveur du dernier budget de la Sécurité sociale. Ces sollicitations sans ordonnance sont plus fréquentes l'été et concernent davantage les femmes, âgées de 20 à 40 ans. L'analyse la plus demandée dans cette tranche d'âge est le dosage beta HCG, qui permet de confirmer une grossesse.
Insatisfaction
Quelle est la motivation de ces patients qui prennent en main leurs analyses ? Sylvie Fainzang, anthropologue et directrice de recherche à l'INSERM, fait le parallèle avec l'automédication. « Cela peut être pour pallier les défaillances d'un professionnel de santé, lorsque le patient estime que le médecin n'a pas fait faire les examens adéquats. Il faut resituer cela dans le contexte du rapport des patients à leur santé », explique-t-elle.
Outre la difficulté d'obtenir un rendez-vous ou le manque de temps, la demande d'autodiagnostic biologique correspond aussi à une évolution sociétale. Enseignant en médecine générale à Paris Descartes, le Pr Serge Gilberg explique que ces autoprescriptions sont liées à « l'insatisfaction des patients » et à leurs inquiétudes. Mais elles ne sont pas pour autant pertinentes. « Il faut faire le parallèle avec ce qui est validé scientifiquement. Par exemple le dosage du PSA est contesté pour certaines tranches d'âge », rappelle-t-il. Reste que dans l'imaginaire des patients, « cela est considéré comme un marqueur de bonne santé, au même titre que la tension ou le taux de cholestérol », souligne le Pr Gilberg.
Tous les experts en conviennent : le biologiste médical se doit d'accompagner le patient qui exprime cette demande. « Il est de la responsabilité des professionnels de savoir encourager les patients qui veulent devenir acteur de leur santé et de leur prise en charge en les informant et les conseillant, mais aussi en rationalisant leurs demandes et en les orientant au mieux dans leur parcours de soins », résume Benoît Dumont, biologiste à Lyon.
Ainsi, 36 % des 200 biologistes interrogés par Biogroup sur l’autoprescription estiment que leur rôle est d'accepter ces demandes « en les encadrant ». 29 % précisent qu'ils incitent leurs patients à demander l'avis de leur médecin traitant après les résultats de leurs analyses. Et 15 % invitent le patient à consulter le médecin avant même de faire un quelconque bilan.
* Regroupement de laboratoires d'analyses médicales (600 sites en France), détenu exclusivement par des biologistes médicaux
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