Tarifs et nomenclature

L’Académie réclame la réévaluation financière des autopsies médico-scientifiques

Publié le 15/10/2015
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L'autopsie médicale, un acte dévalué qui devient de plus en plus rare

L'autopsie médicale, un acte dévalué qui devient de plus en plus rare
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

140 euros, c’est la rémunération d’un acte d’autopsie médico-scientifique à l’hôpital, sans examen du système nerveux. Une rémunération supplémentaire de 33,60 euros est prévue en cas d’étude du cerveau ou de la moelle épinière.

Un coût « dérisoire », déplore le Pr Dominique Lecomte, médecin légiste émérite et coauteur du rapport de l’Académie nationale de médecine « Les autopsies médico-scientifiques sont indispensables au progrès médical » publié en avril.

La rémunération de cette pratique figure depuis août 2015 dans la liste complémentaire du référentiel des actes innovants (de biologie médicale et d’anatomocytopathologie) hors nomenclature, permettant un financement dérogatoire. Mais pour obtenir un tarif digne de ce nom payé par la collectivité, « il serait plus logique de sortir l’autopsie de cette liste et de l’intégrer directement dans la nomenclature CCAM », revendique le Dr Frédéric Staroz, président du syndicat des médecins pathologistes français (SMPF), qui a demandé une entrevue au ministère de la Santé.

Trois heures d’intervention minimum

De fait, le tarif actuel de ce geste devenu rare ne prend pas en compte l’investissement, la responsabilité du médecin pathologiste, la complexité de l’acte et les techniques qu’il nécessite. Outre les formalités réglementaires (service clinique, état civil, chambre mortuaire) et l’autopsie elle-même, il faut intégrer la désinfection des instruments, de la salle d’autopsie, la recoupe des prélèvements, l’examen microscopique, l’analyse et le compte rendu du médecin. « La durée totale d’une autopsie est estimée à 3 h 15 pour l’anatomo-cytopathologiste et d’1 h 15 pour l’examen du cerveau ou de la moelle épinière », précise le Pr Jean-Jacques Hauw, membre de l’Académie et coauteur du rapport.

À titre comparatif, la rémunération de l’examen histologique d’une biopsie ou d’une « pièce opératoire » prélevée par un chirurgien et analysée par un anapath se situe entre 100 et 172,24 euros (pour une intervention trois fois moins longue qu’une autopsie). « La rémunération du chirurgien pour l’acte chirurgical s’élève à 1 376,17 euros », poursuit-il.

La sous-évaluation de l’autopsie médicale est vécue comme un manque de reconnaissance pour les praticiens qui réalisent cet acte. « Nous avons pourtant montré le rôle majeur de l’autopsie médico-scientifique, notamment pour le progrès médical [épidémiologie, recherche] et l’amélioration du diagnostic », souligne le Pr Jean-Jacques Hauw. Aux États-Unis, une autopsie complète est rémunérée 2 200 euros et 1 325 euros lorsqu’elle est limitée au cerveau, rapporte l’Académie.

Mort programmée ?

« En 2013, 588 autopsies d’adultes, 433 d’enfants et 6 541 actes de fœtopathologie ont été recensés en France métropolitaine », précise l’Académie dans son dernier rapport. Le coût de la mise aux normes des salles d’autopsie et la sous-cotation de l’acte menacent cette pratique en France, de même que se raréfie son enseignement médical. « Plus personne ne voit ce qu’est vraiment un patient mort, alors que c’est un moment important au niveau anatomique et technique pour l’apprentissage du médecin. On n’apprend pas l’autopsie avec des théories », ajoute le Dr Staroz.

Le 15 septembre déjà, une quarantaine de spécialistes français avaient alerté par courrier le ministère de la Santé. Le coût des autopsies médicales ne repose sur « aucun facteur objectif et s’avère grossièrement sous-estimé », estimaient-ils.

Sophie Martos

Source : Le Quotidien du Médecin: 9441