Campagnes choc, auditions, promesse présidentielle...

Le prix du médicament s'impose dans le débat

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Publié le 30/06/2016
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Crédit photo : S. Toubon

« Le mélanome, c'est 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires  ; Le cholestérol ? Un placement à forte rentabilité et garanti sans risque ; Bien placé, un cancer peut rapporter jusqu'à 120 000 euros », etc.

Avec ses slogans provocateurs, la campagne de Médecins du monde, lancée mi-juin en même temps qu'une pétition ralliant près de 211 000 signatures, n'a pas manqué de faire écho à l'affiche de la Ligue contre le Cancer diffusée en avril. Deux hommes d'affaires discutent. « Toujours dans le business toi ? Oui…- Dans les nouveaux médicaments contre le cancer ». Moins polémique, le Collectif interassociatif sur la santé (CISS, usagers) vient de consacrer une journée de réflexion au prix des médicaments innovants.

Experts et hautes administrations ne sont pas en reste. Le Pr Norbert Ifrah a mis au menu de son futur mandat à la tête de l'InCA l'ouverture d'une discussion sur la fixation des prix avec toutes les parties prenantes. Côté politique, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a entamé une longue série d'auditions sur ce sujet.

Le modèle de fixation des prix du médicament a-t-il vécu ? À tout le moins, la question de la soutenabilité est posée. « Il n'y a pas de plan de communication concertée entre associations. Cela fait deux ans et demi qu'on se bat à bas bruit, sans aucune réponse. Il est révélateur que médecins et usagers élèvent tous la voix au même moment », explique au Quotidien Olivier Maguet, responsable de la campagne « Le prix de la vie » de MDM.

Le patron du Comité économique des produits de santé (CEPS, chargé par la loi de fixer les prix des médicaments*) reconnaît qu'il est légitime d'ouvrir ce débat avant d'arrêter les montants des nouveaux anticancéreux (lire page 3).   

Hépatite C et cancer en première ligne

L'arrivée en 2014 du Sovaldi (sofosbuvir), nouvel antiviral à action directe (NAAD) du laboratoire Gilead, très efficace dans la lutte contre l'hépatite C, fut le déclencheur. Avec un coût de 41 000 euros (48 000 avant négociation) pour une cure de 12 semaines, ce médicament représente un défi pour l'assurance-maladie et pour l'accès aux soins. Et un scandale aux yeux de SOS Hépatites ou MDM, dénonçant la sélection des patients, puisque seuls les malades les plus graves étaient, à l'origine, éligibles aux NAAD.

Les acteurs de la lutte contre le cancer se sont à leur tour mobilisés : outre les campagnes et la pétition de la Ligue (près de 66 000 signataires), 110 cancérologues emmenés par les Prs Dominique Maraninchi et Jean-Paul Vernant ont accusé les industriels, en mars 2016, de déterminer les prix des nouveaux traitements en fonction de ce que le marché est prêt à payer.

Inertie politique

Beaucoup espéraient un signal fort du Président de la République, fin mai au G7, qui avait promis d'avancer sur la question d'une régulation internationale. Déception : François Hollande s'est contenté de remettre le sujet à une prochaine réunion des ministres de la santé. Sine die.

Marisol Touraine a annoncé, à l'occasion de la journée contre les Hépatites, l'ouverture des NAAD à l'ensemble des patients, évoquant de nouvelles discussions d'ici à 2017 avec le CEPS, Gilead et AbbVie. Mais la remise à plat du système de fixation des tarifs n'est pas à l'ordre du jour.

Les associations sont déterminées à faire du prix des médicaments un enjeu électoral pour 2017. Le défi devrait être relevé par le syndicat patronal de l'industrie pharmaceutique (LEEM) qui regrette les attaques « injustes et blessantes » et appelle à un « débat sans œillères ».

*Les prix sont fixés de préférence par la voie de conventions conclues avec les laboratoires. 

Coline Garré

Source : Le Quotidien du médecin: 9509