Le Sénat rabote à nouveau l'aide médicale d'État contre l'avis du gouvernement

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Publié le 01/12/2020

Crédit photo : PHANIE

Outil essentiel de santé publique ? Instrument de politique migratoire ? L'aide médicale d'état (AME), qui permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d'un accès aux soins, a fait l'objet d'un vif débat au Sénat – l'opposition de droite ayant conduit une nouvelle offensive pour réformer ce dispositif jugé trop généreux.

Lors de la première lecture du projet de loi de finances 2021, le Sénat a adopté plusieurs amendements visant à recentrer cette aide sur les soins jugés « indispensables », contre l'avis du gouvernement. La Haute assemblée a voté le remplacement de l'AME par une « aide médicale de santé publique ». La prise en charge des personnes en situation irrégulière serait limitée à un panier de soins « nécessaires » ou « utiles ». Dans cette liste figurent les maladies graves, les soins urgents, la grossesse, les vaccinations et la prévention. 

La gauche et le groupe RDPI à majorité LREM ont voté contre cette proposition. Le secrétaire d'État Adrien Taquet a jugé qu'il était « impératif de préserver » l'AME, « dispositif essentiel pour soigner ces personnes fragiles » tout en admettant qu'il était « également de notre devoir d'en limiter les abus et détournements possibles ». Et d'ajouter : « C'est tout le sens des mesures qui ont été prises en 2019 et 2020 par le gouvernement, qui ont été entravées par la crise sanitaire actuelle », a-t-il poursuivi.

1,1 milliard d'euros de budget

Le financement de l'AME est prévu dans le cadre de la « mission santé » au sein du projet de loi de finances (budget de l'État), et non pas dans le budget de la Sécu. 

Pour justifier leur initiative, les sénateurs LR ont souligné la hausse régulière des crédits de l'Aide médicale d'État. « Il y a cinq ans, l'AME c'était un peu près 500 millions, en 2021 ce sera 1,1 milliard (...) C’est un outil de politique migratoire. Si vous voulez sauver l’AME, rationalisez l’AME », a lancé Roger Karoutchi (LR). « Ces amendements sont par définition des amendements d'appel, personne n'imagine que l'Assemblée nationale les votera », a-t-il complété. 

Lutte contre la fraude

Destinée aux sans papiers, l'AME fournit un accès aux soins aux personnes précaires pour une durée d'un an. Les soins médicaux et hospitaliers sont pris en charge à 100 % dans la limite des tarifs Sécu. Elle est attribuée sous conditions de ressources et de résidence stable. 

Même si une étude de l'IRDES de 2019 a montré qu'une personne éligible à l'AME sur deux n'y avait pas recours, cette aide fait l'objet chaque année de controverses sur les dépenses occasionnées. 

Un rapport des inspections générales des affaires sociales (IGAS) et des finances (IGF), publié également l'an passé, montrait que ce dispostif pouvait être, dans certains cas, dévoyé. Le rapport faisait état « d'atypies », d'après les données de l’agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH), concernant principalement les accouchements, l’insuffisance rénale chronique, les cancers et les maladies du sang. « Elles renforcent de façon convaincante l’hypothèse d’une migration pour soins, qui n’est pas un phénomène marginal », indiquait la mission IGAS-IGF.   

Fin 2018, l'AME de droit commun bénéficiait exactement à 318 106 étrangers en situation irrégulière. 


Source : lequotidiendumedecin.fr