Exercice multisite, cabinets éphémères, médecine itinérante

Les praticiens mobiles ont le vent en poupe

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Publié le 18/10/2018
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BUZYN

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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

« Le temps où chaque village disposait de son médecin est révolu, l'installation de professionnels de santé ne peut plus constituer l'alpha et l'oméga de la politique d'accès aux soins », écrivent la sénatrice centriste de Mayenne Élisabeth Doineau, le député LREM Thomas Mesnier et le Dr Sophie Augros, médecin généraliste.

Dans leur rapport remis en début de semaine à Agnès Buzyn, les trois délégués à l'accès aux soins plébiscitent, entre autres mesures (encadré), l'exercice mobile comme l'une des solutions à la désertification médicale.

L'enjeu est la « projection » de temps médical dans les territoires qui en ont besoin. Cabinets secondaires des libéraux, consultations avancées, antennes de centres de santé ou médecine itinérante… les auteurs identifient plusieurs options qui permettent d'assurer une activité à temps partiel déportée dans une zone sous dense. Dans le Doubs, le « cabinet éphémère » de Pontarlier a été mis en place après le départ de plusieurs médecins. Des généralistes volontaires (trois médecins en activité et deux jeunes retraités) se relaient pour assurer des consultations en alternance, un jour par semaine, aux tarifs de secteur I. 

À Angoulême, le centre hospitalier a recruté deux médecins sous statut hospitalier pour assurer une présence médicale dans un quartier déficitaire, sous forme de consultations hospitalières avancées dans les locaux financés par la municipalité. « C'est l'attractivité du statut salarié qui a permis de maintenir les professionnels dans un territoire déserté », relèvent les rapporteurs. Autre solution : la fusion de l'ex-hôpital de Nérac (Lot-et-Garonne) avec le CH d'Agen a permis d'augmenter l'amplitude d'ouverture et de proposer des consultations avancées de spécialités (plus de 20 aujourd'hui).

Freins

« Les initiatives se heurtent à des freins multiples », déplore le Dr Sophie Augros. D'abord faute d'incitation financière : si une bonification des honoraires est prévue par exemple pour les praticiens libéraux réalisant des consultations secondaires via le contrat de solidarité territoriale médecins (CSTM, activité partielle en zone fragile pour trois ans), elle reste « insuffisante » pour compenser les frais de transport et la baisse du nombre d'actes. 

Or, les professionnels qui s'engagent dans ces formes décentralisées d'exercice doivent être « financièrement gagnants », insiste le rapport. Plusieurs mécanismes sont préconisés : un contrat « collectif » de solidarité territoriale ouvert aux médecins d'un même cabinet de groupe, ou encore un nouveau critère de rémunération collective des maisons de santé (pour valoriser les consultations exportées en zone sous-dense). « L'ouverture d'une consultation décentralisée fait peser un risque économique sur le professionnel de santé, résume le rapport. La tarification à l'acte peut s'avérer inadaptée. La définition d'une garantie de revenus (...) pourrait être étudiée ».

L'encadrement ordinal est un autre frein. Aujourd'hui, l'ouverture d'un cabinet secondaire est soumise à autorisation de l'Ordre départemental. Or, la crainte d'une concurrence déloyale vécue par les libéraux implantés dans le territoire déficitaire explique « l'attitude parfois bloquante » des conseils départementaux. Idem pour les projets de médecine itinérante (bus mobiles), souvent bloqués. Le rapport plaide en faveur d'un assouplissement.  

Le rapport s'attaque aussi aux freins de nature ficale. Il propose d'accorder une exonération automatique de cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les médecins qui exerçent à temps partiel en cabinet secondaire en zone sous-dense. Autre piste : le relèvement du plafond de dispense des cotisations pour la retraite complémentaire (PCV) « à 70 000 euros voire 80 000 euros par an » au lieu de 40 000 euros actuellement pour favoriser le cumul emploi-retraite. 

La médecine mobile, nouvelle martingale ? Le syndicat ReAGJIR (remplaçants, jeunes installés et chefs de clinique) fixe la ligne jaune. « L'hôpital doit rester dans ses murs, , prévient le Dr Yannick Schmitt, président du syndicat. Si ces consultations [hospitalières] avancées concernent la médecine générale, cela ne prend pas la bonne direction et cette solution doit être réfléchie avec les libéraux du territoire pour éviter de créer de la confusion »

Loan Tranthimy
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Source : Le Quotidien du médecin: 9695