Une photographie aux États-Unis en décalage avec la France

Mécanique ou biologique, comment le choix de la valve influe sur la mortalité à long terme

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Publié le 09/11/2017
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valve aortique

valve aortique
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Quel type de prothèse faut-il mieux choisir pour un remplacement valvulaire dans la tranche d'âge des 50-70 ans ? C'est la question à laquelle ont tenté de répondre des chirurgiens cardiaques californiens avec le soutien académique des Instituts de la santé américains (les « National Institutes of Health », NIH) et l'Agence américaine pour la qualité et la recherche des soins de santé.

Alors que le choix du type de prothèse est discuté avec le patient dans cette tranche d'âge et qu'il existe une tendance croissante au recours aux prothèses biologiques, l'étude publiée dans « The New England Journal of Medicine » apporte des résultats à contre-courant. « La tendance actuelle de vouloir abandonner les valves mitrales mécaniques chez les plus jeunes devrait être tempérée », écrivent-ils.

Dans une large cohorte de patients opérés entre 1996 et 2013 en Californie (9 942 patients opérés de la valve aortique et 15 503 de la valve mitrale), l'équipe de l'université de Stanford montre qu'il existe un bénéfice sur la mortalité à long terme pour l'étage mitral jusqu'à l'âge de 70 ans. À l'étage aortique, les choses sont différentes avec un bénéfice qui s'estompe bien plus tôt, dès 55 ans.

Pour les deux étages, l'étude confirme que les valves mécaniques exposent à un risque plus faible de réintervention mais aussi à un risque plus élevé de saignement dû au traitement anticoagulant et, dans certains groupes d'âge, d'accident vasculaire cérébral (AVC) par rapport aux valves biologiques.

La France avant-gardiste

Pour le Pr André Vincentelli, chirurgien cardiaque au CHRU de Lille, la situation est très différente en Europe, notamment en France. « Pour les valves mitrales, la question de poser une prothèse mécanique ne se pose quasiment plus, explique le chirurgien. En France, la plastie mitrale est très en avance, notamment grâce à l'équipe du Pr Alain Carpentier. On répare beaucoup, surtout chez les jeunes. Même dans les pathologies rhumatismales très calcifiées, il est possible la plupart du temps de faire une plastie qui permette de faire le pont jusqu'à la bioprothèse ». Les auteurs admettent qu'une des limites de l'étude est de ne pas avoir tenu compte de traitements alternatifs, telle que la plastie mitrale et le remplacement valvulaire endovasculaire.

Pour les valves aortiques, le dilemme se retrouve pour les sujets d'âge moyen en France, mais avec une volonté assumée de poser davantage de bioprothèses, explique le chirurgien. « Entre 45 et 65 ans, le choix du type de prothèse est un vrai problème, développe André Vincentelli. C'est le résultat d'une vraie discussion avec le patient en lui donnant toutes les informations sur la qualité de vie mais aussi du risque de réopération. Le risque de réintervention est plus élevé pour les prothèses biologiques qu'elles soient par voie chirurgicale ou par voie endovasculaire, mais il existe aussi pour les prothèses mécaniques ».

Judiciarisation aux États-Unis

Chez les adultes jeunes, les chirurgiens ont recours à l'intervention de Ross pour éviter les valves mécaniques et tenir jusqu'à la cinquantaine. « Cette autotransplantation de la valve pulmonaire au niveau de la valve aortique, initialement indiquée chez les enfants, a été étendue chez les jeunes adultes », détaille le Pr Vincentelli.

La situation très différente en France trouve différentes explications. « Contrairement à la France, il n'existe que quelques centres d'excellence pour la plastie mitrale aux États-Unis, poursuit le chirurgien français. De plus, le modèle américain est marqué par une judiciarisation de la médecine aux États-Unis et la crainte de devoir assumer des réparations en cas de dégénérescences précoces de la valve. La qualité de vie n'est pas la priorité absolue, même s'il faut bien reconnaître que les Américains font de l'autosurveillance de l'INR depuis 15 ans, quand nous commençons tout juste en France ».  

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9617