Thierry Schifano, président de la Fédération nationale des transports sanitaires (FNTS)

« Nous sommes face à un non-sens : notre métier croît, nos entreprises décrochent »

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Publié le 26/11/2015
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LE QUOTIDIEN : Quelle est la situation du transport sanitaire ?

THIERRY SCHIFANO : Le décrochage que nous avions constaté en 2008 continue. Il a été légèrement atténué par l’instauration du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui a fait passer de 1,2 à 2,8 voire 3 % nos marges, mais c’est insuffisant pour assurer la pérennité de nos sociétés.

Nous sommes face à un non-sens. Notre métier, porté par le vieillissement de la population ou l’essor de l’ambulatoire, connaît une croissance de 2 % à 6 % selon les années. Pourtant, les entreprises décrochent. La cause en est un manque d’organisation. Le taux de remplissage de nos véhicules ne dépasse pas les 45 % ! Nous proposons donc une optimisation de l’organisation, puisque nous savons qu’une revalorisation tarifaire n’est pas possible.

Quelles sont vos pistes pour une meilleure organisation ?

Le covoiturage permettrait une plus grande optimisation et 600 millions d’euros d’économies par an pour l’assurance-maladie. Les expérimentations mises en place dans les Bouches-du-Rhône et en PACA révèlent que le transport moyen en covoiturage revient à 19 euros, contre 32 euros pour un véhicule sanitaire léger (VSL), et 49 euros pour le taxi.

Mais seuls, nous n’arriverons pas à développer le covoiturage : il faut un effort général de la filière santé, impliquant l’assurance-maladie et les établissements.

Nous militons aussi une messagerie sécurisée qui permettrait d’améliorer la gestion des flux hospitaliers. Toutes nos relations avec l’assurance-maladie pourraient se faire avec zéro papier. Le numérique recouvre aussi l’ambulance connectée (avec par exemple des webcams permettant au médecin de voir le patient dans le véhicule), la télémédecine (permettant l’examen d’un patient désorienté sans transport), et des applications.

Une meilleure coordination des consultations permettrait également d’éviter aux patients habitant loin des hôpitaux d’être convoqués aux heures de pointe.

Pour réaliser des économies, l’assurance-maladie propose d’expérimenter une carte de transport assis pour les patients dialysés, des plateformes de commande, des contrats d’intéressement. Qu’en pensez-vous ?

En amont de la carte du transport assis, il faudrait ouvrir une table ronde pour harmoniser les différents acteurs du transport assis professionnalisé. Entre les VSL et les taxis, il y a un écart de 25 % de prix !

Les plateformes de commande ne sont pas une mauvaise piste, nous la défendons depuis 5 ans. Mais elles doivent rester aux mains des transporteurs, non de l’assurance-maladie, ni des hôpitaux.

Nous sommes très vigilants sur les contrats d’amélioration de la qualité et de l’organisation des soins (CAQOS) signés entre assurance-maladie, agences régionales de santé et établissements. La nouvelle mouture qui intéresse les sociétés de transport sur les économies générées va dans le bon sens ; ce n’est plus seulement un dispositif sanction pour les structures défaillantes.

En 2012-2015, nous avons posé des idées dans notre plan stratégique. Maintenant vient le temps de l’action, et notre université nous permettra d’imaginer le transport sanitaire de 2020, qui doit s’inscrire dans un modèle global de l’assurance-maladie.

Propos recueillis par Coline Garré

Source : Le Quotidien du Médecin: 9453