Éditorial

Nouveau départ pour l'Ordre ?

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Publié le 20/05/2022

Pour l’Ordre, qui s'apprête à changer de patron, c’est le moment où jamais de rebondir. Ces derniers mois ont été éprouvants pour l’institution. L’affaire Le Scouarnec a souligné ses lenteurs de réaction face au pire scandale de pédophilie qui ait ébranlé la profession. Et la Cour des comptes a mis en cause tant l’inefficacité des ordinaux que leur train de vie. En interne, on relativise ces critiques, arguant que la vieille maison n'avait pas attendu ces coups de semonce pour balayer devant sa porte.

Il lui reste pourtant du chemin à faire. Et d'abord pour reconquérir les médecins. Un demi-siècle après 1968, seule une poignée d'activistes appelle encore à son boycott, mais une majorité plus ou moins silencieuse s’indigne du montant de la cotisation et "oublie" souvent de voter lors des élections ordinales. C’est peut-être à un allègement et à une simplification de ses modes de fonctionnement que l’institution doit désormais s’atteler pour se rapprocher des confrères. Ces dernières années, le Dr Patrick Bouet a tenté de leur redonner la parole, sondant la base et s’en faisant l'écho, mais au risque d'ulcérer les syndicats… La parité bientôt effective dans ses instances est une opportunité pour se mettre au diapason d’une profession qui compte autant de femmes que d'hommes désormais.

C’est également en direction des patients que le Cnom doit porter ses efforts. On lui reproche souvent de davantage défendre les blouses blanches que les malades. L’institution a tout de même bien changé en quelques années. Depuis 2013, n'est-elle pas présidée par un médecin généraliste de banlieue ? On est très loin de l’image surannée des mandarins à nœuds pap’ qui lui a si longtemps été associée. Sur les questions de société, l'Ordre a aussi évolué, passant d’une condamnation sans appel de l’IVG au début des années 1970 à une approbation mesurée de la PMA pour toutes en 2018 : que de chemin parcouru, au risque de froisser au passage certains de ses thuriféraires… Qu'objecteraient-ils, si demain, les conseils départementaux et national devaient s'ouvrir aux usagers ? À l’heure où le Comité d’éthique vient de franchir le pas, peut-être serait-il opportun, pour l'Ordre, d’y songer à son tour…

Concernant ses relations avec les pouvoirs publics, enfin, il y a sûrement une réflexion à engager. Certes, plus personne dans le monde politique n’envisage de se passer de l’Ordre comme en 1981. Ces dernières années, le Cnom a même accueilli un président de la République et un Premier ministre lors de ses congrès ! Et d’ailleurs, le modèle ordinal a essaimé depuis – avec plus ou moins de succès — chez les infirmiers ou chez les kinés. L’Ordre des médecins peine pourtant à s’affirmer, par exemple sur le contrôle de la compétence des praticiens. Voilà 25 ans qu’on bâtit des châteaux en Espagne sur l’obligation de FMC, d’EPP ou de DPC. Et même si l’Ordre n’est pas pour grand-chose dans ces retards à l’allumage, son image, malgré tout, en a pâti. Le chantier de la certification périodique des médecins lui permettra-t-il de retrouver demain les premiers rôles ?

Jean Paillard

Source : Le Quotidien du médecin