Mise en place il y a un an exactement, la téléconsultation remboursée entre timidement dans les cabinets médicaux libéraux. Avec 60 000 actes facturés, le directeur général de la CNAM, Nicolas Revel, salue dans nos colonnes la dynamique de progression et promet quelques assouplissements conventionnels ponctuels.
Mais qu'en pensent les médecins sur le terrain ? Avancée concrète dans leur exercice ou usine à gaz ? De très nombreux praticiens ont répondu à l'appel à témoignages du « Quotidien » sur cette nouvelle pratique. Et leurs avis sont contrastés.
D'un côté, on trouve des convaincus, parfois des pionniers des consultations à distance ou jeunes convertis depuis un an. Ce généraliste anonyme parle d'« avancée concrète » tant pour son exercice que pour les patients.
Aucun problème pour être payé
Le Dr Arnault Pfersdorff, pédiatre à Strasbourg, est enthousiaste. Avec 2 à 4 actes par jour, la téléconsultation se révèle « très pratique pour éviter aux parents de se déplacer dans bon nombre de pathologies » et « pratique aussi pour le soir avant de quitter le cabinet ou au début des congés pour ne pas laisser dans la nature l'un ou l'autre patient fragile ou mis sous traitement ». Le système est jugé « souple », permet d'accéder au DMP et ce spécialiste ne rencontre « aucun problème pour être payé par la CPAM ».
« L'absence d'examen physique complet nous pousse à nous améliorer sur l'interrogatoire, l'explication et les conduites à tenir vis-à-vis de certaines pathologies, je suis très satisfait de cette pratique », embraie un urgentiste en Aquitaine pour qui « le rapport avec les patients est excellent ». « Dès la première téléconsultation, je constate que cela améliore le service rendu, élargit la palette d'exercice », renchérit le Dr André, généraliste des Yvelines. Non avec humour, il relève que cette pratique à distance fournit quelques « anecdotes piquantes ». « Parfois, la personne est chez elle dans une tenue diverse… Souvent, toute la famille défile devant la caméra. »
Diversifier son activité
Un autre généraliste francilien, le Dr Masson, salue, grâce à ses consultations vidéo, la rémunération d'actes courants (renouvellement d'ordonnance simple) qui étaient réalisés gratuitement auparavant. Il effectue 5 à 6 téléconsultations par semaine « voire plus ». « Cela permet de traiter rapidement certaines situations ou de répondre de façon pratique à certaines interrogations (infection urinaire, document administratif, préconsultation au cabinet avec délivrance d'ordonnance de biologie ou de radiologie…), expose-t-il.
Dans le Loiret, ce généraliste applaudit une solution « simple » permettant d'améliorer la situation dans « le plus grand désert médical de France ». Un de ses confrères parisiens, le Dr Magnier, y voit une « façon intéressante de diversifier son activité ».
Côté équipement, pas de bugs signalés par ces convaincus. Au contraire ! « Il suffit d'un ordinateur PC ou MAC (...) et d'une connexion Internet avec un débit suffisant ou d'un smartphone/tablette (...) », résume le Dr Marcel Garrigou-Grandchamp, généraliste à Lyon qui utilise la solution gratuite du GCS SARA (groupement de coopération sanitaire santé Auvergne-Rhône-Alpes). En tant que conseiller ordinal, il conseille aux confrères de réaliser les TC pour des patients connus dont ils sont le médecin traitant.
Problèmes de cotation
Mais le tableau s'obscurcit avec d'autres témoignages mentionnant des freins techniques, des bugs ou mauvaises surprises. « Problèmes de cotation car le logiciel médical ne veut pas mettre à disposition les lettres clés de la TC », signale un endocrinologue parisien. Mon expérience est « négative », lâche ce médecin du travail sans aucune autre précision. « Problèmes liés à la communication du patient avec des moyens pas forcément adaptés (webcam, micro, téléphone) », ajoute un généraliste du Grand Est, qui relève aussi des « problèmes liés à l'absence de possibilité d'examen médical ».
D'autres médecins expriment un avis tranché. « Système chronophage, complexe en utilisation (...), à mon avis irréalisable au cabinet médical », lâche le Dr Esteve, généraliste et médecin coordinateur en EHPAD. « Pas d'infos sur la procédure, sur la cotation, sur les aides financières possibles », s'agace un néphrologue des Hauts-de-France.
Alors que le patron de la CNAM veut croire à l'appropriation de la démarche par la profession, notre enquête montre qu'il faudra du temps. « Je suis mi-figue, mi-raisin, grince un généraliste internaute. Cela évite des visites inutiles et à répétition pour les résidents des EHPAD à condition que l'interlocuteur choisi réponde. J'attends toujours une réponse pour une patiente, cela ne fait que deux mois… ».
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