Éditorial

Un air de famille

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Publié le 30/09/2022

Peut-on changer d'un coup de baguette magique le profil des futurs médecins ? Pas si sûr. Les résultats des choix du dernier « amphi de garnison » que « Le Quotidien » présente cette semaine montrent en effet qu'il y a, bon an mal an, une certaine constance dans les choix des futurs confrères. Avec des conséquences positives : l'ophtalmologie, si difficile d'accès dans bien des endroits pour les patients, reste dans le tiercé de tête. Et des constats plus fâcheux : trois ans après le début de la pandémie de Covid, la santé publique fait toujours aussi peu recette auprès des étudiants. Au-delà, les tentatives pour orienter les flux vers les nouveaux besoins de santé ont pour l'heure échoué, à l'exception notable de l'infectiologie : qu'il s'agisse de l'urgence, de la gériatrie ou de l'allergologie, les nouveaux DES créés dans le cadre de la réforme du troisième cycle ne parviennent en effet pas à séduire plus que ça.

Très en amont des ECN, les velléités de reformater l'Homo carabinus sont elles aussi restées vaines. « Il faut que les profils des futurs médecins soient plus variés », avait annoncé l'ancienne ministre de l'Enseignement supérieur, Frédérique Vida. A l'en croire, la création d'une filière alternative pour la sélection en fin de première année devait ouvrir la médecine aux meilleurs parmi les littéraires. Cette deuxième voie s'avère en réalité une impasse pour les jeunes qui s'y sont risqués, les facs étant obligées de fermer les robinets d'une L.AS (licence accès santé) dont certains prédisent la disparition à terme. La vérité est que ni la médecine ni la pharmacie ne veulent de ces jeunes qui ont suivi des chemins de traverse pour tenter de marcher sur les traces d'Hippocrate ou de Galien…

Faut-il pour autant désespérer des réformes mises en place ces dernières années ? Pas forcément. Ainsi la médecine générale, longtemps boudée, est-elle en train de tirer son épingle du jeu dans les choix d'internat. Rien de bien spectaculaire encore pour une discipline qui campe encore en queue de classement. Il n'empêche : ces deux dernières années sont à marquer d'une pierre blanche. Pour la première fois, toues postes d'internes ont été pourvus à l'issue des choix en 2021. Et bis repetita en 2022. Et si c'était la conséquence des patients efforts de ces dernières années ? Depuis 10 ans, les revenus des médecins traitants progressent gentiment, leur faisant rattraper le gap qui les séparait des confrères de disciplines cliniques. Et la généralisation du stage chez le praticien dès le second cycle n'est pas non plus pour rien dans le retour en grâce d'une médecine de famille mieux perçue. Enfin, la médecine générale offre l'avantage de bien des options : avec de larges opportunités, en ville ou à l'hôpital, en établissements de soins ou dans le médico-social, en libéral ou dans le cadre du salariat. Un éventail de possibles, qui à l’évidence cadre bien avec l'état d'esprit des jeunes. Mais attention : tout équilibre demeure fragile. Il ne faudrait pas que la 4e année de 3e cycle annoncée tout à trac par le nouveau ministre perturbe la construction de cette encore jeune spécialité…

Jean Paillard

Source : Le Quotidien du médecin