Pr Benoît de Wazières, gériatre

Vaccination : « Des objectifs encore loin d’être atteints »

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Publié le 06/06/2017
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VACCIN

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Le QUOTIDIEN : Où en sommes-nous concernant la vaccination antigrippale chez les seniors ?

Pr BENOÎT de WAZIÈRES : Nous sommes encore très loin des objectifs, déjà anciens, fixés par l’OMS qui visent un taux de 75 % de vaccination pour cette population. Plus inquiétant, le taux de vaccination en France chez les plus de 65 ans n’était plus que de 48 % en 2015, alors qu’il était encore de près de 65 % en 2009. Outre le climat de défiance générale envers la vaccination qui s’est installé dans le pays, la question de l’efficacité du vaccin chez une population qui présente une réponse immunitaire plus faible que des personnes plus jeunes entre certainement en ligne de compte dans l’explication de cette baisse constante de la couverture vaccinale depuis 7 ans : considérant que le vaccin ne fonctionne pas bien, de nombreuses personnes âgées préfèrent passer outre et prennent, ce faisant, un risque inutile.

À combien estime-t-on le niveau de protection des plus de 65 ans par le vaccin antigrippal ?

Le niveau de protection apporté par le vaccin à cette population cible se situe à hauteur de 23 %, alors qu’il est de 50 % chez les plus jeunes. Si l’on peut donc considérer que l’efficacité n’est pas des meilleures, elle reste tout de même loin d’être négligeable, même si c’est une population statistiquement moins touchée par le virus que celle des enfants. Il est par ailleurs important de remettre ces données dans leur contexte et considérer qu’une protection apportée à un quart d’une population vulnérable, parmi laquelle un niveau de surmortalité important est constaté pendant la période épidémique, équivaut à des milliers de vies épargnées chaque année. L’hiver dernier, nous avons ainsi constaté 21 000 décès supplémentaires très certainement liés aux complications de la grippe et il est évident qu’un taux de couverture vaccinal plus important aurait permis d’éviter un certain nombre d’entre eux.

Par quels moyens peut-on renforcer l’efficacité de ce vaccin ?

Une des raisons de la faible efficacité de ce vaccin est liée à son sous-dosage. Le vaccin que nous utilisons actuellement est faiblement dosé, sans adjuvant et sans effets secondaires, il est donc possible d’augmenter son dosage sans faire apparaître de problème de tolérance. Aux États-Unis, Sanofi a mis sur le marché un vaccin quatre fois plus dosé (60 mg vs 15 mg) qui augmente le niveau de protection de 25 %. Alors que nous demandons que ce dernier soit disponible en Europe, nous ne pouvons, pour l’heure, que constater les lenteurs des autorités européennes sur cette question.

Qu’en est-il par ailleurs de la couverture vaccinale contre le pneumocoque ?

La couverture vaccinale pneumocoque chez les personnes âgées à risque d’infections, estimée aux alentours de moins de 10 %, reste également très insuffisante. Cependant, la modification récente des recommandations vient apporter plus de clarté au schéma vaccinal et devrait permettre une augmentation de la couverture et de la protection chez les personnes âgées cibles. Désormais, toutes les personnes à risque, sans distinction d’âge, doivent recevoir une dose de 13-valent conjugué suivie, huit semaines plus tard, d’une dose de 23-valent. Il est primordial de rappeler l’importance de cette vaccination chez les sujets à risque, parmi lesquels figurent de nombreuses personnes âgées. En effet, celles-ci paient un lourd tribut à la pneumonie avec une surmortalité non seulement immédiate mais également différée sur plusieurs mois. Il faut enfin rappeler l'intérêt pour les plus de 65 ans du vaccin contre le zona. Ici aussi le retard français est incompréhensible, moins de 7 % de vaccinés alors qu'en Grande-Bretagne les responsables de la vaccination s'inquiètent de la baisse récente du taux de couverture qui est passée de 62 % à 55 % en 3 ans !

Propos recueillis par Benoît Thelliez

Source : Le Quotidien du médecin: 9586