Au congrès de l'ESC à Paris

Après un IDM, un net bénéfice à revasculariser aussi les sténoses non coupables

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Publié le 05/09/2019
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L'étude COMPLETE menée chez plus de 4000 patients dans 31 pays répond à la question de la revascularisation percutanée en préventif des lésions sténosantes non coupables après infarctus du myocarde (IDM).
Un risque de décès cardiovasculaire-IDM diminué de 26 %

Un risque de décès cardiovasculaire-IDM diminué de 26 %
Crédit photo : Phanie

Est-il bénéfique de revasculariser les sténoses non coupables après un infarctus du myocarde (IDM) avec sus décalage du segment ST ? Le grand essai randomisé COMPLETE, présenté au congrès de la Société européenne de cardiologie (ESC) à Paris, pose les choses au sein de plus de 4 000 sujets de 31 pays ayant des lésions coronariennes multiples.

Plus de la moitié des sujets ayant un IDM avec sus-décalage présentent des lésions coronariennes multiples. Dans « The New England Journal of Medicine », l'équipe internationale montre qu'à 3 ans, le critère primaire composite décès cardiovasculaire ou IDM était significativement diminué à 7,8 % dans le groupe revascularisation complète (n = 158/2016) par rapport à 10,5 % dans le groupe interventionnel limité aux lésions coupables (n = 213/2025). 

Pour le Dr Shamir Mehat, de l'institut de recherche en santé des populations à l'université McMaster à Hamilton (Canada) et auteur principal : « L'essai COMPLETE va changer la façon dont les médecins traitent cette maladie et va prévenir plusieurs milliers d'IDM dans le monde chaque année ».

Une pratique répandue en France

Le pli semble déjà avoir été pris en France. « La revascularisation complète est une pratique répandue, explique le Pr Laurent Feldman, cardiologue à l'hôpital Bichat (AP-HP) et l'un des co-auteurs de l'étude. Même si cela n'apparaît pas encore clairement dans les recommandations. Ces 4-5 dernières années, plusieurs petites études ont rapporté des résultats concordants sur le fait qu'il existe un bénéfice à procéder de la sorte. L'étude COMPLETE montre avec un critère "dur" que l'effet est important. »

La question de revasculariser ou non les sténoses non coupables repose sur deux façons différentes de considérer ces lésions. « Soit on considère que ces lésions sont stables, explique le cardiologue parisien. Dans ce cas, il est recommandé de ne pas poser de stent sauf si le seuil est critique, c'est-à-dire > à 90 % ou s'il existe une ischémie révélée au test d'effort, à la scintigraphie ou par le FFR. Soit on considère que ces lésions découvertes lors de l'IDM ne sont pas si stables et sont à haut risque de provoquer des infarctus coronariens ».

Des sténoses supérieures à 70 %

Dans COMPLETE, le risque de décès cardiovasculaire-IDM était diminué de 26 % dans le groupe revascularisation complète. Ainsi, sur une période de 3 ans, le nombre de sujets à traiter pour éviter un événement est de 37 pour le critère primaire et passe à 13 pour un critère composite secondaire plus large associant décès cardiovasculaire, IDM ou revascularisation induite par l'ischémie.

Dans le protocole, les lésions non coupables étaient significatives si : elles étaient associées à une sténose d'au moins 70 % ou à une sténose intermédiaire de 50 à 69 % avec une mesure de la réserve coronaire (FFR, fractional flux reserve) inférieur à 0,80. « On a laissé ouvert les deux possibilités aux investigateurs, explique Laurent Feldman. Mais même si la FFR qui reflète un retentissement hémodynamique est mesurée en routine, l'évaluation des lésions dans l'étude s'est faite à 99 % à l'œil sur l'angiographie ».

Une prise en charge en différé

Dans l'étude, toutes les lésions non coupables étaient traitées de façon non urgente. « Néanmoins, dans COMPLETE, nous avons stratifié les patients selon deux stratégies, explique le cardiologue de l'hôpital Bichat. Soit la deuxième revascularisation était réalisée pendant l'hospitalisation, en médiane 1 jour après la première, soit elle l'était lors d'un deuxième séjour, en médiane à 20 jours et toujours dans un délai < 45 jours ».

Enseignement important de l'étude, la deuxième revascularisation peut se faire en différé, le bénéfice étant le même dans les deux groupes. « La pression pour libérer les patients est assez forte à l'hôpital », souligne Laurent Feldman. Dans l'étude, un tiers des participants du groupe revascularisation complète ont eu la seconde procédure après leur sortie d'hôpital.

Alors que les participants de l'essai étaient âgés en moyenne de 61 ans et sans antécédent cardiovasculaire pour la grande majorité, deux cardiologues de Copenhague posent dans l'éditorial la question de la reproductibilité des résultats chez des sujets plus fragiles et à risque plus élevé de complications. « Quoi qu'il en soit, compte tenu de l'essai bien planifié et bien conduit de Mehta et al., les guidelines devraient recommander une stratégie de revascularisation complète, (...) au moins chez ceux qui ont des lésions non coupables appropriées », écrivent-ils.

DOI:10.1056/NEJMoa1907775

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin