« Avec la rétine artificielle, nous pouvons espérer que les patients atteints de DMLA ne soient plus considérés comme aveugles », indique Serge Picaud de l'Institut de la vision

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Publié le 04/12/2019

Crédit photo : Phanie

La rétine artificielle Prima (Pixium Vision) confirme ses bons résultats avec la parution dans « Nature Biomedical Engineering » d'un essai mené chez trois primates non humains, dirigé par Serge Picaud, directeur de recherche INSERM à l'Institut de la vision – institut qui vient de fêter ses 10 ans. En amont de cette publication, cinq patients atteints de dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) sèche ont été implantés dans le cadre d'une étude de faisabilité. Alors que les résultats à 18 mois sont attendus pour le début de l'année 2020, une étude européenne pivot sur 50 à 70 patients est également prévue pour 2020.

Prima est un implant sous-rétinien photovoltaïque sans fil sensible à la lumière proche de l'infrarouge et composé de 378 pixels. Il permet de pallier la perte de vision fine centrale liée à la dégénérescence des photorécepteurs qui survient en cas de DMLA. L’activation de l’implant par la lumière infrarouge produit des signaux électriques transmis à la rétine puis au cerveau via le nerf optique. Les patients portent donc des lunettes pour produire une image infrarouge de l’environnement.

LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN : Quel est l'intérêt des essais menés chez les primates non humains ?

SERGE PICAUD : Les essais chez les primates non humains ont commencé avant les essais cliniques chez l'homme et ont permis de valider le fonctionnement des implants. Avec ce modèle animal, nous nous approchons au plus près des conditions des patients, car la structure du système visuel des primates est proche de celle des hommes.

Notre étude montre que la prothèse rétinienne Prima fonctionne très bien chez le primate non humain et est bien tolérée pendant plus de 2 ans.

Comment a été évaluée la perception visuelle chez les primates non humains ?

Dans un premier temps, l'implant a été testé ex vivo sur des tissus rétiniens de primates dont les photorécepteurs avaient été retirés. En enregistrant l'activité des cellules ganglionnaires qui envoient l'information au cerveau, nous avons montré que certaines cellules sont sensibles aux signaux électriques provenant d'un seul pixel de l'implant, et pas à ceux des pixels voisins. Cette sélectivité de la stimulation témoigne d'une haute résolution du dispositif.

Des tests de comportement ont ensuite été réalisés sur les primates pour évaluer la perception visuelle due à l’activation de l’implant en proche infrarouge. La perception visuelle induite par l’activation de l’implant était attestée par l’induction de saccades visuelles, autrement dit de mouvements oculaires. C'est ce qui nous a permis de démontrer que l'activation d’un seul pixel de l’implant (100 µm) est suffisante pour induire une saccade.

Et chez l'homme, quels sont les résultats à 18 mois ?

Ces prothèses rétiniennes sont très bien tolérées, et trois des patients implantés dans le service du Pr José-Alain Sahel par le Dr Yannick Le Mer parviennent à lire des lettres ou des séquences de lettres. Les acuités visuelles mesurées sont les meilleures obtenues avec des prothèses rétiniennes. Elles se situent juste en dessous du seuil de cécité légale. Avec une petite amélioration supplémentaire, nous pouvons espérer que les patients atteints de DMLA ne soient plus considérés comme aveugles.

Quelle est l'originalité de cet implant ?

Avec Prima, chaque électrode de stimulation est entourée d'une masse pour le retour du courant électrique. Dans les autres modèles de prothèse rétinienne, la masse commune à toutes les électrodes est distante : le courant a donc tendance à diffuser vers les électrodes voisines, ce qui réduit la résolution individuelle des électrodes de stimulation.

En conséquence, les autres entreprises du domaine, Second Sight et Retina Implant AG, ont arrêté leurs productions de prothèses rétiniennes, car la résolution obtenue ne permettait pas de les proposer aux patients atteints par la DMLA. Prima ouvre donc de nouvelles perspectives pour les patients aveugles atteints de DMLA ou ceux atteints de dystrophies rétiniennes comme la rétinopathie pigmentaire.

Propos recueillis par Charlène Catalifaud

Source : lequotidiendumedecin.fr