Quels moyens de prévention supplémentaires est-il possible de déployer contre les infections sexuellement transmissibles (IST) ? Le vaccin contre le méningocoque B (Bexsero, laboratoire GSK) réduit le risque d'infection à gonocoque et la prise de la doxycycline en préventif dans les 72 heures suivant un rapport sexuel celui d'IST (chlamydia, syphilis, gonocoque), selon les résultats de l'essai ANRS Doxyvac.
« C'est une avancée majeure dans la lutte contre les IST, estime le Pr Yazdan Yazdanpanah, directeur de l'ANRS-Maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE). Les résultats de l'essai ANRS Doxyvac devraient faire évoluer les recommandations nationales et internationales (...). »
L'essai, promu et financé par l'ANRS-MIE en partenariat avec le laboratoire Roche, a été mené par une équipe de recherche de l'AP-HP, de l'Université de Paris Cité, de l'Inserm et de Sorbonne Université en collaboration avec Aides et Coalition Plus. Les responsables scientifiques et le promoteur ont décidé d'interrompre l'étude et recommandent la mise à disposition de ces traitements à tous les participants de l'essai.
Augmentation des IST ces dernières années
Au cours de ces dernières années, une augmentation des IST a été observée en France, en particulier chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH). Plusieurs équipes dans le monde étudient depuis quelques années l'efficacité d'antibiotiques en prophylaxie.
Pour la première fois en prévention post-exposition, l'essai ANRS Ipergay a démontré que la doxycycline, administrée dans les 72 heures après les rapports sexuels, diminuait d'environ 70 % le risque d'infection à gonocoque et de syphilis. Parallèlement, des études épidémiologiques ont rapporté ces dernières années que les personnes vaccinées contre le méningocoque B par Bexsero présentaient un risque diminué de 30 % d'infection à gonocoque.
L'essai prospectif randomisé ANRS Doxyvac, mené depuis janvier 2021, a évalué l'intérêt de la combinaison du vaccin Bexsero et de la prise post-exposition de doxycycline chez des HSH très exposés au risque d'IST et ayant présenté au moins une IST dans l'année précédente. Ces hommes participent par ailleurs à la cohorte ANRS Prevenir, qui a montré l'équivalence en termes d'efficacité et de sécurité de la Prep à la demande par rapport à la prise continue en prévention de l'infection par le VIH.
Quatre groupes testés
Plus de 500 volontaires vivant en région parisienne ont été répartis par tirage au sort en quatre groupes : l'un recevant une prophylaxie post-exposition par la doxycycline, l'autre une vaccination par Bexsero, le troisième la combinaison de ces deux interventions et le quatrième aucune des deux interventions. L'essai, qui s'inscrit dans un cadre de prévention globale, associe d'autres mesures de réduction des risques : dépistages répétés du VIH et des IST, vaccinations contre les hépatites A et B, distribution de préservatifs et de gels, mais aussi possibilité d'accompagnement communautaire ou en éducation thérapeutique.
À la suite des résultats de l'étude américaine Doxypep présentés lors de la conférence internationale Aids en juillet à Montréal, le comité indépendant de l'essai a demandé l'analyse des données d'incidence des IST parmi les participants de l'étude ANRS Doxyvac. Il a été constaté que le groupe recevant la doxycycline bénéficiait d'une réduction importante du risque de syphilis et de chlamydia, et aussi, dans une moindre mesure, mais toujours de façon significative, du risque de gonococcie. Le groupe vacciné contre le méningocoque B présentait une réduction significative du risque d'infection par le gonocoque.
Activer tous les moyens de prévention
Depuis l'arrêt de l'essai, le suivi des participants se poursuit et ce jusqu'à la fin 2023 afin de s'assurer de l'efficacité sur le moyen terme de ces stratégies de prévention. Les résultats de l'étude ont été soumis pour présentation à un congrès international au début de l'année 2023. « Le concept de prophylaxie biomédicale au moment de l'exposition au risque d'IST dans le cadre d'une offre élargie de prévention est donc validé (...) », souligne le Pr Jean-Michel Molina, investigateur coordonnateur de l'étude.
Néanmoins, l'infectiologue à l'hôpital Saint-Louis et Lariboisière (AP-HP) tient à rappeler que « le préservatif reste la pierre angulaire de la prévention contre les IST en général », ajoutant que « c'est en additionnant tous les outils de prévention qui ont fait leur preuve que nous serons en mesure de contrôler efficacement les IST et d'atteindre l'objectif de l'OMS et de l'Onusida pour 2030, qui est de réduire de 90 % l'incidence des IST ». Pour le Pr Yazdanpanah, le travail en collaboration avec les associations « est particulièrement prometteur pour une future implémentation des recommandations ».
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