Professionnels hospitaliers

Du laxisme dans les vaccinations

Publié le 26/09/2011
Article réservé aux abonnés

POUR LA PREMIÈRE FOIS, deux études dressent un état des lieux de la couverture vaccinale (CV) des professionnels de santé et des étudiants en santé exerçant dans les hôpitaux français. Dans les deux cas, le constat est le même : la CV est élevée pour les vaccinations obligatoires (BCG, diphtérie, tétanos, poliomyélite, hépatite B), mais nettement insuffisante pour les vaccinations recommandées (grippe, coqueluche, varicelle, rougeole).

La première étude est une enquête nationale baptisée Vaxisoin (1). Réalisée en 2009, elle porte sur 451 professionnels (médecins, infirmiers, sages-femmes, aides-soignants) issus de 35 établissements de santé de l’Hexagone. Dans le champ des vaccinations obligatoires, 91,7 % des soignants interrogés sont vaccinés contre le virus de l’hépatite B (VHB). La couverture pour le rappel décennal diphtérie-tétanos-poliomyélite (DTP) s’élève à 95,5 %. Celle du BCG est estimée à 94,9 %. Chez les étudiants en santé, les résultats sont similaires : 95,9 % pour les derniers rappels DTP, 93,6 % pour le BCG et 91,8 % pour au moins 3 doses d’hépatite B, selon l’enquête Studyvax (2), réalisée en 2009 auprès de 432 étudiants en médecine ou en soins infirmiers, élèves sages-femmes, en stage dans l’un des établissements de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).

S’agissant des vaccinations recommandées, le tableau est en revanche tout autre. Chez les professionnels, la CV rougeole « 1 dose » déclarée est de l’ordre de 49,7 % chez les individus sans antécédents de rougeole. La CV varicelle « au moins 1 dose » déclarée ne s’élève qu’à 29,9 % chez les soignants sans antécédent de varicelle. La CV pour le rappel décennal DTP associant la valence de la coqueluche n’est que de 11,4 %. Pour la couverture grippale, la CV ne dépasse pas les 25,6 %. « Pour tous les vaccins recommandés (sauf grippe), les soignants ignoraient fréquemment leur statut vaccinal », constate l’étude Vaxisoin.

Manque de traçabilité.

Chez les étudiants en santé, les taux de couverture confirmés en 2009 pour les vaccinations recommandées étaient de 44 % pour la coqueluche, de 79,3 % pour la première dose de rougeole (49,6 % pour la deuxième dose) et de 39,6 % pour la grippe. Seuls 6 des 27 étudiants sans antécédents de varicelle étaient par ailleurs vaccinés. Pour les auteurs de l’étude VAXISOIN, les faibles taux de couverture pour les vaccinations recommandées peuvent en partie s’expliquer par « l’introduction relativement récente de ces vaccinations dans le calendrier vaccinal » (entre 2000 et 2005 selon les pathologies). « Il est donc nécessaire de renforcer la politique vaccinale pour ces vaccins, en délivrant des messages ciblés et adaptés », concluent-ils.

Un changement de comportement vis-à-vis des vaccinations recommandées permettrait de limiter grandement le risque épidémique dans les pathologies ciblées, impliquant le personnel soignant. Comme le rappelle, le Pr Christian Rabaud (3), près de la moitié des épidémies hospitalières de grippe rapportées en France sur les 10 dernières années touchait le personnel soignant (qui en était souvent à l’origine). « Concernant les épisodes de coqueluche nosocomiale, il est mis en avant que le personnel soignant reste le plus souvent à l’origine des contaminations », souligne-t-il. L’étude Vaxisoin pointe enfin le faible niveau de preuve de vaccinations des professionnels par le biais d’un document de type carnet de santé ou carnet de vaccination. Il s’avère dès lors « nécessaire de mieux documenter la situation vaccinale des soignants vis-à-vis des vaccinations recommandées, notamment en médecine du travail, et plus largement de réfléchir à un outil de suivi des vaccinations de l’adulte », préconisent les auteurs.

(1) Jean-Paul Guthmann et coll. (Institut de veille sanitaire).

(2) Pierre Loulergue et coll. (INSERM et AP-HP).

(3) Service de maladies infectieuses et tropicales, CHU de Nancy.

DAVID BILHAUT

Source : Le Quotidien du Médecin: 9011