Handicap : 10 propositions pour l’effectivité du droit à une vie intime, affective, sexuelle et parentale

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Publié le 21/03/2023
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Crédit photo : Garo/Phanie

Pour les personnes en situation de handicap, le droit à une vie intime, affective, sexuelle et parentale reste trop souvent théorique. Pour en assurer l’effectivité, le comité « Parentalité des personnes en situation de handicap »* met sur la table 10 « impulsions majeures », soit autant de propositions pour que les personnes en situation de handicap aient « accès aux mêmes droits que n’importe qui », a souligné Julia Tabath, administratrice de l’AFM-Téléthon, association membre du comité, lors d’un point presse ce 21 mars.

Si une « écoute » et des « efforts » ont marqué l’action du précédent gouvernement, il « reste énormément de choses à faire », poursuit-elle. La perspective de la prochaine conférence nationale du handicap prévue en avril prochain constitue ainsi un enjeu important car elle « préfigure les futures politiques », indique-t-elle encore.

Des « marges d’amélioration »

Pour élaborer ses propositions, le comité « Parentalité des personnes en situation de handicap » s’est appuyé sur les discussions menées à l’occasion d’un colloque l’an dernier. La rencontre est décrite par le Pr Marc Dommergues, chef du service de gynécologie-obstétrique de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP), comme une « forme de coming out » qui a permis « de libérer la parole des professionnels et des usagers ». Reste désormais à avoir la capacité d’informer les personnes concernées, estime-t-il, « pour que, dans le labyrinthe de l’offre médico-sociale, chacun puisse trouver la solution qui lui convient ».

De ces échanges sont ressortis plusieurs constats. Le besoin d’information des usagers et de formation des professionnels apparaît comme de premières « marges d’amélioration ». La prise de conscience sur les discriminations subies et la prise en compte de « tous les handicaps, de toutes les identités de genre et de toutes les orientations » sont également nécessaires.

Et, si plusieurs dispositifs d’accompagnement ont été récemment mis en place, comme la prestation de compensation du handicap (PCH) « parentalité », les centres de ressources régionaux IntimAgir et les Sapph (services d’accompagnement à la parentalité des personnes en situation de handicap), ils sont à pérenniser, voire à amplifier.

Œuvrer pour l’autodétermination

La PCH notamment, dont l’accès est « conditionné à d’autres droits » (PCH « aide humaine », NDLR), comporte plusieurs limites et ne « répond pas toujours aux besoins des personnes concernées ». Individualisée, cette prestation ne permet pas de prendre en compte les besoins liés à la famille, au logement, etc. Son caractère forfaitaire est aussi critiqué. Le forfait est similaire quel que soit le nombre d’enfants et s’arrête à l’âge de 7 ans. « Le forfait a le mérite d’être là, mais il faut contextualiser pour adapter » la prestation, analyse Agnès Bourdon-Busin, représentante d’APF France Handicap, une association membre du comité. L’ambition doit être de « revenir à l’esprit de la loi », poursuit-elle, avec une analyse des besoins qui définit la compensation.

Autre évolution du cadre politique souhaité, la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapé (AAH), adoptée au Parlement en août 2022, doit encore être mise en œuvre. « Ce devrait être le cas en octobre 2023 », signale Agnès Bourdon-Busin. Mais, en l’état, « certains couples seront perdants », poursuit-elle, indiquant des discussions en cours avec le gouvernement. Reste qu’en cas de violences conjugales, il ne sera plus nécessaire d’attendre une décision judiciaire, se félicite-t-elle.

Une partie des propositions du comité porte par ailleurs sur l’autodétermination des personnes. Pour y parvenir, le comité plaide d’abord pour l’information, mais aussi pour le développement de l’éducation sexuelle (intimité, consentement, pratiques sexuelles, etc.), le renforcement « de la place des personnes par l’empowerment », le soutien par les pairs ou encore la participation effective des personnes au pilotage des actions qui les concernent.

Des solutions à « explorer » pour l’assistance sexuelle

Sur la question délicate de l’assistance sexuelle, le comité préconise d’« explorer les solutions », se rapprochant ainsi de la position du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) qui s’est prononcée en faveur d’expérimentations locales. La question, juge Julia Tabath, est celle « de l’accès à son corps et au corps de l’autre » et de « l’accompagnement pour une vie sexuelle choisie ». Lors du colloque, raconte-t-elle, une demande a émergé pour une assistance sexuelle avec une approche « légale et éthique », « notamment quand il y a impossibilité d’entrer en contact avec son propre corps ». En l’absence de réponse, les « adresses (d'accompagnants, NDLR) se refilent » , glisse-t-elle.

Un dernier axe des propositions vise à soutenir le déploiement des dispositifs existants, comme les récents centres de ressources régionaux IntimAgir. Alors que trois sont déjà en activité, le comité réclame une participation des usagers au pilotage. Le comité encourage également la collaboration entre les Sapph, le dispositif Handigynéco et les lieux de droit commun (PMI, planning familial, hôpital, etc.) pour améliorer l’accès aux soins gynécologiques. Il s’agit de lever les différents obstacles à l’accès aux consultations et aux soins.

* Créé en 2017 pour développer l’accompagnement à la parentalité des personnes en situation de handicap, le comité est composé de l’AFM-Téléthon, APF France Handicap, AP-HP, Crédavis, Croix-Rouge française, Union nationale des associations familiales, VYV Care Île-de-France.


Source : lequotidiendumedecin.fr