Le tourisme médical se porte bien

Publié le 09/05/2014
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« Avant, on soignait les expatriés, les employés des ambassades... Le grand changement depuis sept, huit ans, c’est le tourisme médical, on soigne des gens qui viennent spécialement pour ça. » Les chiffres confirment les observations faites par l’ophtalmologiste Sudipto Pakrasi dans sa pratique quotidienne : en Inde, le tourisme médical est un secteur en pleine expansion.

Plus de 100 000 patients étrangers viennent s’y faire soigner chaque année. Le tourisme médical y représente un marché de 2,5 milliards de dollars. Et, si le pays est encore derrière la Thaïlande et Singapour, l’augmentation annuelle de 25 % que connaît le secteur pourrait faire prendre à l’Inde la tête du tourisme médical en Asie.

Dans la salle d’attente réservée aux patients internationaux de l’Apollo Hospital de New Delhi, tous les sièges sont occupés. Les explications sont rédigées en russe, français, arabe et anglais. Raj Raina, le directeur marketing d’Apollo Hospitals, explique que la chaîne d’une cinquantaine de cliniques privées a reçu 28 300 patients étrangers pour la seule année 2013. Parmi eux, des ressortissants de pays asiatiques géographiquement proches de l’Inde, mais aussi du Moyen-Orient, d’Afrique, de Russie, d’Asie Centrale, sans oublier les patients européens et nord-américains.

Un visa médical spécifique

Pour ces touristes médicaux, l’État indien a mis au point un visa médical. Valable un an, il peut également être obtenu par un accompagnant du patient. En 2013, 26 visas médicaux ont été délivrés à des ressortissants français, ainsi que 25 visas d’accompagnant, d’après des informations fournies par l’ambassade de l’Inde en France. Si les Français semblent avoir peu de raisons d’aller se faire opérer en Inde, les autres patients y trouvent plusieurs intérêts.

Pour les patients africains ou asiatiques, la qualité de l’expertise médicale indienne attire. Pour les Américains ou les Anglais, le coût comparativement faible et l’absence de temps d’attente sont primordiales. Le boom du secteur privé, vers lequel se tourne massivement les jeunes médecins indiens, permet aux cliniques de réduire les listes d’attente au maximum. Selon Raj Raina, les coûts peuvent descendre jusqu’à 10 % des prix pratiqués aux États-Unis ou en Europe.

Des agences spécialisées

Les touristes médicaux viennent pour toutes sortes de traitement : transplantation d’organes, problèmes d’infertilité, opérations cardiaques, cancers, greffe de moelle osseuse, chirurgie ophtalmologique, prothèse de la hanche...

Ce tourisme médical se concentre dans les grands hôpitaux privés, comme Apollo Hospitals, Fortis, Max Healthcare, Medanta The Medicity,... qui se sont développés au début des années 1990 avec la privatisation du système de santé indien. Ils cherchent aujourd’hui à obtenir des accréditations reconnues internationalement, notamment celle délivrée par la Joint Commission International (JCI), qui est devenue le tampon indispensable pour attirer des patients étrangers.

Les hôpitaux privés mettent tout en oeuvre pour séduire les patients. Service de réception à l’aéroport, mise à disposition de traducteurs, salle d’attente dédiée. Véritables villes dans la ville, ils comptent dans leurs locaux des magasins, des restaurants, des halls de cinéma ou encore des salles de sports réservés.

Des agences se sont spécialisées dans le tourisme médical en proposant des « packages », incluant l’opération, la convalescence, l’hébergement en hôtel étoilé, la location de véhicule et une ou deux excursions touristiques. Health Line India s’est lancée dans ce créneau il y a sept ans et organise aujourd’hui le séjour d’une centaine de patients étrangers par mois. Une visite du Temple d’Or d’Amritsar ou du Taj Mahal vient clôre le séjour, décrit Rahul Gupta, le directeur de cette agence de tourisme médical.

Rendez-vous via Skype

Lorsqu’il ne passe pas par une agence, le patient prend directement contact avec la clinique par Internet. Suite à l’envoi du diagnostic, un devis est établi. Un rendez-vous avec le médecin peut être organisé via Skype.

« Nos médecins sont beaucoup plus accessibles qu’en Occident, considère Raj Raina d’Apollo Hospitals. Ils échangent directement avec leur patient par e-mails ou Skype. Il existe une réelle communication entre les patients et les docteurs. Par contre il n’y a pas d’assurance en cas de complication post-opératoire : le patient doit revenir à ses frais. » L’absence de cadre légal fait des suites opératoires une zone d’ombre du tourisme médical.

Hélène Ferrarini

Source : Le Quotidien du Médecin: 9325