Lutte contre l'alcool : les acteurs de l'addictologie demandent à Emmanuel Macron des mesures concrètes, la HAS actualise son outil de repérage

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Publié le 15/02/2021
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Crédit photo : PHANIE

Alors que la nouvelle stratégie décennale contre le cancer fait de la prévention l'une de ses priorités, les acteurs de l'addictologie proposent, dans une lettre ouverte* au président de la République, des mesures concrètes pour améliorer l'information des consommateurs d'alcool, deuxième cause de cancer évitable, à l'origine de 16 000 décès annuels.

Ils demandent ainsi que les contenants fassent mention de l'apport calorique et de la teneur en sucre des boissons alcooliques et affichent un Nutri-Score spécifique. Chaque contenant devrait aussi indiquer le nombre d'unités d'alcool (verres standard) afin que chacun puisse évaluer sa consommation au regard des repères préconisés depuis 2017 par Santé publique France et l'Institut national du cancer. Pour rappel, il est recommandé de ne pas consommer plus de 10 verres standards par semaine et pas plus de deux verres standards par jour, avec des jours dans la semaine sans consommation.

Les signataires demandent aussi à Emmanuel Macron, qui s'est souvent illustré par une certaine complaisance à l'égard des alcooliers, à la suppression de la mention « À consommer avec modération », « trompeuse, floue et ne correspondant à aucune obligation légale » et une meilleure visibilité du pictogramme à destination des femmes enceintes, « annoncée par votre Gouvernement il y a trois ans », rappellent-ils non sans malice.

Enfin, relayant des propositions de la Commission européenne à l'égard des jeunes, les professionnels suggèrent un encadrement de la publicité dans les médias audiovisuels, en particulier les réseaux sociaux ou les plateformes de partage de vidéos en ligne, ainsi que la mise en place d'un prix minimum.

Une démarche en quatre temps proposée par la HAS

De son côté, la Haute Autorité de santé (HAS) republie son outil d'aide au repérage précoce et à l'intervention brève en matière d'alcool, de tabac et de cannabis, les trois substances psychoactives les plus consommées en France. Elle en propose une version actualisée au regard des nouveaux repères de consommation d'alcool élaborés en 2017. Pour rappel, le Collège national des généralistes enseignants a récemment insisté sur la place du généraliste dans le repérage précoce des consommations à risque, en particulier de l'alcool.

La HAS décrit une démarche en quatre temps, qui commence par une question amenant à déclarer une consommation, un repérage qui doit être fait une fois par an, et/ou lors d'un changement dans la vie, ou face à une situation à risque (grossesse, précarité, conduite de véhicules, poste de sécurité, stress psychosocial, etc.). Puis vient le temps de l'évaluation du risque, à l'aide de questionnaires, notamment le FACE pour l'alcool, et le CAST pour le cannabis.

Recherche de l'alliance thérapeutique

Sont ensuite décrits les contours de l'intervention brève : il s'agit de restituer les résultats des questionnaires, d'évaluer avec le consommateur ses risques personnels, d'échanger sur ses représentations, attentes et intérêt personnel à arrêter sa consommation, d'expliquer les méthodes, de proposer des objectifs et de laisser le choix. Le praticien doit aussi identifier chez la motivation du patient, le bon moment et la confiance dans la réussite du projet (trois échelles sont proposées pour y parvenir). L'accent est ainsi mis sur « l'importance d'une posture partenariale favorisant la confiance et les échanges », en deux mots, l'alliance thérapeutique.

C'est encore cette « relation partenariale de confiance et d'échange » qui est au cœur de l'accompagnement dans la réduction ou l'arrêt de la consommation à long terme. En cas de rechute, une consultation de type entretien motivationnel ou l'orientation vers une consultation d’addictologie doivent alors être proposées. « La notion d’essai dans un changement de comportement est fondamentale pour ne pas attribuer l’échec au patient mais à des circonstances. La rechute est davantage la règle que l’exception et chaque rechute rapproche le thérapeute et le patient du succès consolidé », avertit la HAS.

*Signée par le Pr Amine Benyamina, président de la Fédération française d’addictologie, le Dr Bernard Basset, président d’Association Addictions France, Françoise Gaudel, présidente de France Patients Experts Addictions (FPEA), le Pr Serge Hercberg, épidémiologiste, spécialiste de nutrition, le Pr Axel Kahn, président de la Ligue contre le cancer, Felix Le Moan, président de la Camerup, Betty Morisset, présidente du CoP’MA (Collectif de proches de malades alcooliques), le Dr Thomas Mognetti, président d’Avenir Santé Jeunes, le Pr Mickael Naassila, président de la Société française d’alcoologie (SFA) et Jean-Claude Tomczak, président de la Fédération nationale des amis de la santé (FNAS)


Source : lequotidiendumedecin.fr