Les propos du ministre du Logement, Julien Denormandie, qui assurait hier dans les pages du quotidien « La Croix » que les places d’hébergement ouvertes pendant le confinement seront maintenues « tant que des solutions alternatives ne seront pas trouvées », n’ont pas rassuré les associations qui redoutent que la crise sanitaire ne se transforme en « crise humanitaire ».
Un effort « significatif » de l’État
Réunies dans le Collectif des Associations Unies (CAU), 39 associations spécialisées dans le logement et la gestion des centres d’hébergement craignent que l’effort « significatif » de l’État pendant la crise pour mettre à l’abri les populations à la rue ou mal logées et celles risquant une expulsion, ne se heurte à une offre de logements trop faible pour répondre à l’ampleur de la demande.
Pendant le confinement, la trêve hivernale, qui interdit les expulsions locatives, a été prolongée et plus de 20 000 places d’hébergement sont venues compléter l’offre proposée chaque hiver. Au total, près de 180 000 places ont été mises à disposition.
Des centres dits de « desserrement » ont été également ouverts, sur tout le territoire, pour permettre l’isolement et la prise en charge médicale des cas de Covid-19 ne nécessitant pas d’hospitalisation. Ces centres « sont restés aux trois quarts vides », indique Florent Guéguen, directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS).
Des squats, campements ou bidonvilles ont vu leurs conditions s’améliorer avec la création de points d’eau et l’organisation du ramassage des déchets. En parallèle, une enveloppe de 39 millions d’euros a été débloquée en avril pour les associations qui assurent un service d’aide alimentaire auprès des plus précaires. Une nouvelle enveloppe de 50 millions a été annoncée le 1er juillet par la secrétaire d’État auprès du ministre de la Santé, Christelle Dubos.
L’effort de l’État est salué par le CAU. Les appels au 115 (numéro d'urgence pour les places d’hébergement) ont chuté de « presque 70 % » par rapport à la même période l'an dernier, selon Florent Guéguen. « Ça montre qu'il n'y a pas de fatalité au sans-abrisme », poursuit-il.
Malgré ce bilan, des SDF, souvent des hommes isolés, sont restés dans les rues des grandes métropoles. À Bordeaux, « les deux tiers des personnes rencontrées en maraude n’appellent plus le 115 », observe Florence Lamarque, directrice du Samu social de Bordeaux, qui constate également l’arrivée de nouveaux SDF, des travailleurs pauvres qui « ne veulent pas se montrer et dorment dans leur voiture ».
Si les annonces de Julien Denormandie sont bien accueillies, le CAU exprime son inquiétude : « pour que cette annonce d'aucune remise à la rue sans solution alternative soit tenue, il faut que le gouvernement annonce des créations de places assez massives », estime Florent Guéguen. Quelques 35 000 places sont aujourd’hui menacées de fermeture sans solution, sur le territoire, selon le Collectif.
Un besoin de logements « très sociaux »
L’enjeu reste de proposer des solutions de logement durables. Les dispositifs d'hébergement d'urgence étaient déjà saturés avant la crise et les logements dits « très sociaux », permettant la sortie des structures d’urgence, sont en nombre insuffisant.
À Marseille, où 600 immeubles insalubres ont été évacués à la suite de décès de plusieurs habitants dans un effondrement d’un immeuble, « la situation est catastrophique », s’alarme Florent Houdmon, de la Fondation Abbé Pierre à Marseille. À Lyon, le parc social est sous dimensionné avec « 70 000 demandeurs pour 9 000 attributions par an dans le Rhône », détaille Marion Pécout, de l'Alpil (Action par l'insertion pour le logement) de Lyon.
Le délégué général de la Fondation Abbé Pierre, Christophe Robert, estime nécessaire la construction de « 150 000 logements sociaux par an, dont 60 000 logements très sociaux ». Pour l’instant, éviter toute remise à la rue, comme s’y est engagé Julien Denormandie, « signifie que ceux qui n'ont pas été pris en charge pendant le Covid sont coincés dehors et ceux qui attendent un logement social passent au deuxième plan », déplore Marion Pécout.
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