Deuxième cause de mortalité évitable après le tabac, 10 % d'usagers quotidiens, 35 % de Français au moins une fois ivres ces douze derniers mois... Le Collège national des généralistes enseignants (CNGE) s'attelle à la question de l'alcool. « C'est un problème très prévalent en médecine générale : de nombreux patients ont un usage problématique de l'alcool, avec des risques d'addiction, mais aussi cardiovasculaires cancérigènes, ou d'accidentologie », justifie la généraliste Julie Dupouy, maître de conférences à l'Université de Toulouse III et membre du conseil scientifique du CNGE.
La première étape consiste à repérer les patients à risque, en les interrogeant sur leur consommation de façon systématique - pour éviter toute stigmatisation. « Cela peut être lorsqu'on suit un patient pour une pathologie grave, mais aussi à l'occasion d'un certificat de non contre indication au sport, d'une consultation pour rhinopharyngite... », suggère le Dr Dupouy. Le CNGE rappelle les nouveaux repères diffusés par Santé publique France : pas plus de deux verres par jour, au maximum 10 par semaine, avec au moins un jour sans alcool dans la semaine. « Il faut aussi connaître l'évaluation que fait le patient de sa propre consommation et sonder son ressenti », ajoute le Dr Dupouy. Trois questionnaires simples, validés en soins premiers, sont à disposition des généralistes : FACE (formule pour approcher la consommation d'alcool par entretien), AUDIT-C, et DETA (diminuer, entourage, trop, alcool).
Des interventions répétées, des objectifs négociés
Aucun outil miracle dans l'arsenal du généraliste, même si le conseil scientifique mentionne l'entretien motivationnel (efficace à court terme, comparativement à l'absence d'intervention), les thérapies cognitivo-comportementales, ou les médicaments. « Il ne faut pas en attendre d'effet miraculeux », prévient le Dr Dupouy. Selon des métanalyses, l'acamprosate a un effet supérieur au placebo pour la reprise d'un usage d'alcool et la durée cumulée d'abstinence (7,5 ans vs 6,7 ans pour le placebo), la naltrexone a un effet supérieur au placebo sur la diminution du risque d'alcoolisation importante et sur le nombre de jours avec consommation d'alcool. Mais le disulfirame n'a pas montré d'efficacité vs placebo, et l'insuffisance des essais cliniques randomisés sur le nalméfène ne permettent pas d'affirmer une efficacité, rappelle le CNGE. Quant au baclofène, le conseil scientifique attend la publication des résultats de l'étude Bacloville ainsi que l'avis de la commission de transparence de la Haute autorité de Santé pour se prononcer.
La force du généraliste consiste surtout à maintenir un lien avec le patient sur le long cours. « Une intervention unique, brève, peut permettre de repérer une consommation à risque et de donner une information. Cela peut marcher pour un patient qui a besoin de prendre conscience d'un risque mais n'a pas de problème à contrôler sa consommation. La répétition en revanche, semble plus intéressante pour diminuer la consommation d'alcool », explique le Dr Dupouy. « On n'est pas obligé d'y consacrer une consultation entière. Mais évoquer régulièrement, ne serait-ce qu'en deux minutes, cette question de l'alcool, permet au patient de cheminer dans le changement », précise-t-elle. Ce peut être aussi l'occasion de négocier, avec le patient, les objectifs qu'il se donne.
Le généraliste est aussi celui qui accompagne le patient à travers des changements de vie (professionnels, familiaux, amicaux, etc) ou les dommages liés à l'alcool. « On dit des généralistes qu'ils sont souvent le premier recours - ils sont destinataires d'une première plainte liée à l'alcool - mais aussi le dernier recours - lorsqu'un patient passé par des soins spécialisés s'en désinsère », résume le Dr Dupouy.
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