Viols sur mineurs : la mission Flavie Flament plaide pour étendre le délai de prescription à 30 ans

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Publié le 10/04/2017

La mission de consensus présidée par Flavie Flament, victime, et le magistrat Jacques Calmettes, qui a remis son rapport ce 10 avril à la ministre des Familles, de l'Enfance, et des Droits des femmes, Laurence Rossignol, préconise d'allonger de 10 ans le délai de prescription des crimes sexuels commis sur des mineurs, le portant ainsi à 30 ans à compter de la majorité de la victime (soit jusqu'à ses 48 ans), au lieu de 20 ans actuellement. La mission précise que ces crimes doivent être inscrits à l'article 7 du code de procédure pénale aux côtés d'autres crimes graves bénéficiant d'un délai dérogatoire de 30 ans (actes de terrorisme, trafic de stupéfiants, infractions relatives à la prolifération d'armes de destruction massique, eugénisme et clonage reproductif, atteintes à la personne, crimes de guerre).

30 ans à compter de la majorité des victimes

Ce délai dérogatoire de 30 ans est un entre-deux dans un débat relancé en 2014 par une proposition de loi centriste. Il va plus loin que le cadre actuel, que, sur le plan des mineurs, la loi Fenech-Tourret du 27 février 2017 – qui double les délais de prescription de 10 à 20 ans pour les crimes sur majeurs – n'a pas touché. Allonger le délai de prescription à 30 ans à compter de la majorité des victimes « leur donnerait le temps nécessaire à la dénonciation des faits, et permettrait d'augmenter le nombre de dépôts de plainte et éventuellement de condamnations », lit-on dans le rapport, qui rappelle que l'amnésie traumatique n'est souvent levée qu'après 40 ans. Cet allongement de 10 ans ne devrait pas créer de difficulté supplémentaire du point de vue de la déperdition des preuves, note encore la mission, en soulignant l'amélioration des techniques scientifiques. Quant au risque d'un non-lieu ou d'un acquittement lié à la faiblesse des preuves, « les victimes rencontrées dans le cadre de la mission répondent qu'un refus d'instruire et donc d'écouter leur récit serait encore plus traumatisant et incompréhensible », remarquent les auteurs du rapport.

La mission de consensus ne va pas jusqu'à demander l'imprescriptibilité, réservée en France aux crimes contre l'humanité – comme le souhaitent des associations comme « stop aux violences sexuelles ». La mission estime néanmoins que cette perspective ne doit pas être exclue par principe, en ce que l'imprescriptibilité serait un outil de prévention efficace contre la récidive, et une réponse aux attentes des victimes.

Accompagner les victimes

La mission édicte plusieurs recommandations pour libérer la parole et améliorer l'accompagnement des victimes, avant ou après la prescription. La plupart sont déjà présentes dans le premier plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants (2017-2019), dévoilé en mars 2017 : former les professionnels en lien avec les enfants à la détection des violences, mettre en place des médecins référents dans les hôpitaux sur les sévices commis sur les enfants, améliorer le recueil de la parole des enfants, notamment grâce aux unités d'accueil médico judiciaire pédiatrique (UAMJP) et à la diffusion d'un protocole type pour guider ces auditions, et renforcer le suivi médical des victimes, en les informant sur la prise en charge à 100 % « des soins consécutifs aux agressions sexuelles et viols qu'ils ont subis », en y incluant les soins psychiques.

En outre, le rapport suggère de lancer des campagnes d'information et de sensibilisation à destination du grand public, de soutenir les associations d'aide aux victimes et demande à l'institution judiciaire d'entendre les victimes, même si l'action est prescrite, à l'instar de ce que fait le parquet des mineurs du tribunal de grande instance de Paris.

En France métropolitaine, 3,7 % des femmes et 0,6 % des hommes déclarent avoir été victimes de viols ou de tentatives de viol, avant leur majorité et dans le cercle familial, pour la plupart.


Source : lequotidiendumedecin.fr