En France, depuis la loi du 17 juin 1998, l’injonction de soins est une modalité centrale de l’exécution de la peine chez les auteurs d’infraction à caractère sexuel (1). Elle implique le soignant dans une prise en charge articulée avec la justice, dont les contours méritent d’être définis. Vingt ans après la promulgation de la loi, la Fédération française des centres ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles a réuni les principales structures concernées par la problématique des violences sexuelles au cours d’une audition publique, selon la méthodologie et avec l’accompagnement de la Haute autorité de santé.
L’objectif de ce travail a été de mettre à jour les documents de référence et de réaliser le bilan de l’application de l’injonction de soins, du côté de la justice et du côté des soins. Après un travail préliminaire, les experts ont dressé un état des lieux et formulé, durant deux jours d’audition publique, des propositions au ministère de la Santé. À partir de leurs réflexions, de celles du public et d’une compilation de plusieurs milliers de références bibliographiques, la commission d’audition a rédigé un rapport d’orientation à destination des professionnels, des pouvoirs publics et de la société civile (2).
Acquérir une culture de la prévention
Les travaux présentés montrent que, même si les violences sexuelles sont une question de santé publique, le domaine de la prévention est peu exploité en France. Les actions de prévention devraient être plus structurées, intervenir tout au long des études, avec des méthodes validées, et inclure les populations spécifiques (personnes handicapées, âgées, migrants, LGBT…). Les comportements sexuels problématiques des enfants de moins de 12 ans doivent également être pris en charge pour favoriser leur évolution et l’intégration de leurs auteurs. L’expérience de réseaux d’écoute devrait être développée, à destination des auteurs potentiels en prévention d’un passage à l’acte.
Évaluer la dangerosité et diminuer le risque de récidive
La mise en évidence de la dangerosité des auteurs nécessite une intégration d’outils spécialisés auxquels les psychiatres et les psychologues doivent être sensibilisés dès le début de leur cursus. Les expertises d’évaluation de la dangerosité devraient revenir à une collégialité d’experts ayant bénéficié d’une formation criminologique complémentaire à des outils et échelles spécifiques.
En outre, il serait nécessaire de distinguer la durée du suivi socio-judiciaire de la durée de l’injonction de soins, pour mettre fin à ces derniers lorsqu’ils ne sont plus nécessaires. Ils ont deux objectifs : le premier est thérapeutique et ne se distingue pas de celui d’une prise en charge psychiatrique classique, le second est de contribuer à la diminution du risque de récidive, ce qui ne doit pas être oublié par les thérapeutes. Il faut donc évaluer l’évolution du sujet dans la dimension de son équilibre psychique et dans celle du risque.
Dans ce contexte, les indispensables interactions santé-justice doivent se faire dans le respect du secret médical. Les éléments nécessaires aux soins doivent être mis à disposition des soignants par l’administration pénitentiaire.
Des thérapies à adapter au sujet
Les soins reposent sur des approches différentes, psychodynamique, cognitivo-comportementale, systémique et familiale. Pour en déterminer la proportion, l’intérêt de la personne prise en charge doit toujours primer. Il est important de considérer ces approches comme pouvant être complémentaires, qu’elles soient employées en même temps ou non.
Les traitements médicamenteux doivent être prescrits, sous surveillance somatique des effets secondaires, dans certaines indications limitées telles que les paraphilies, et toujours en association avec une prise en charge psychothérapeutique. Il est capital de replacer le patient au cœur de la prise en charge, même si les soins lui ont été initialement imposés, d’utiliser des techniques clairement identifiées et des stratégies thérapeutiques orientées sur des dimensions psychologiques discriminantes (récidive, compétences sociales et habileté relationnelle, mécanismes de régulation émotionnelle). L’offre de soins doit également être étendue à l’endroit des mineurs auteurs.
La commission d’audition a rappelé que la psychiatrie ne doit en aucun cas être utilisée à des fins de contrôle social. Concrètement, il faut rappeler qu’une prise en charge réussie en santé mentale est bénéfique non seulement pour la personne qui en fait l’objet, mais aussi pour la société dans son ensemble.
Il faut replacer le patient au cœur de la prise en charge, même si les soins lui ont été initialement imposés
a. Psychiatre, responsable médical régional CRIAVS Rhône-Alpes, CH le Vinatier (Lyon) b. Psychiatre, criminologue, président du CREAI-ORS Occitanie c. Conseiller d’État honoraire, ancien contrôleur général des lieux de privation de liberté (1) https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT00000055… (2) https://www.ffcriavs.org/la-federation/audition-publique/
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