Air France refuse les onze soignants français de Hanoi

Publié le 02/04/2003
Article réservé aux abonnés

Alors que depuis quatorze jours aucun nouveau cas de SRAS n'a été déclaré à Hanoi, onze médecins français y restent bloqués. Victimes du refus d'Air France de les laisser monter dans ses avions. La situation est rapportée par le Dr Christian Rathat, anesthésiste-réanimateur, qui fait partie de la première équipe de médecins français arrivée sur place, le 15 mars, pour prêter main forte aux médecins de l'hôpital français de Hanoi.

« Notre quarantaine qui a commencé le 22 mars s'est achevée le 1er avril, explique-t-il au "Quotidien". Soit le délai de 10 jours fixé par l'OMS. Nous avons toutes les autorisations nécessaires émanant des organismes officiels, dont l'OMS. Mais nous nous trouvons confrontés à une réaction irrationnelle en face de nous. Nous apportons des arguments logiques à des gens qui ont peur, qui sont dans l'irrationnel. » Les onze membres de l'équipe française, à mesure que les heures et les jours passent, voient « s'éloigner l'avion du retour ». Après s'être dévoués sur place, ils attendent de la direction générale de la Santé et du ministère des Affaires étrangères qu'ils prennent en charge leur rapatriement.
Christian Rathat s'étonne que la compagnie aérienne ait eu connaissance de leur CV et de leurs fonctions à l'hôpital. Ce genre d'information, selon lui, n'avait pas à arriver jusqu'à Air France. « C'est une atteinte à la vie privée. »

Toutes les mesures de prévention

La contamination des soignants français, s'il elle avait eu lieu, se serait passée dans l'hôtel où ils résidaient. Tous les membres de l'équipe s'y trouvaient, dont le cardiologue, atteint de SRAS et récemment hospitalisé à Tourcoing. Le risque infectieux en milieu hospitalier est, en revanche, proche de zéro, dans la mesure où toutes les mesures de prévention ont été mises en œuvre : gants, bottes, masque, surblouse... Consignes de sécurité parfaitement codifiées et respectées. « Personne dans l'équipe n'a le moindre symptôme de SRAS, poursuit Christian Rathat. Nous nous surveillons les uns les autres, sachant parfaitement ce que signifie l'atteinte de l'un d'entre nous pour les autres. »
Une première équipe de 6 personnes avait été envoyée à l'hôpital français de Hanoi, le samedi 15 mars, par la DGS et le ministère des Affaires étrangères, en raison d'une épidémie de type grippal parmi les soignants. A l'arrivée, ils ont trouvé un personnel fatigué physiquement et moralement. Quatre patients étaient intubés et ventilés. Le mercredi 19 mars, 5 autres soignants (médecins et infirmiers) ont été dépêchés pour faire face à l'ampleur des soins à fournir. Pour tous, la mission était d'arrêter l'épidémie, de traiter les patients et de procéder aux prélèvements nécessaires au typage du virus.
Depuis deux semaines, les soignants considèrent qu'ils ont accompli leur tâche. Par la décision d'une compagnie aérienne, ils ne peuvent rentrer avec le « risque de contracter d'autres infections ».

Dr Guy BENZADON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7308