La prévention a un rôle primordial en santé publique. Les acteurs de santé se mobilisent pour qu’elle soit une priorité (vaccination, éducation etc.). Pourtant, la Haute Autorité de Santé (HAS) propose de dérembourser les immunothérapies allergéniques (ITA) sous-cutanées et baisser le taux de remboursement des ITA sublinguales, à la très grande surprise de toute la profession.
La baisse de remboursement pour les ITA sublinguales entraînera de manière certaine une évolution de pathologies allergiques étiquetées « non graves », comme la rhinite, vers des pathologies sévères telles que l’asthme allergique. Ce dernier, potentiellement mortel, présente un lourd retentissement socio-économique (coût des traitements de fond, augmentation en fréquence et sévérité des exacerbations, coût des traitements d’urgence et hospitalisations, absentéisme professionnel et scolaire) et peut être prévenu efficacement par l’ITA.
Un mauvais calcul
Le taux de remboursement proposé est trop faible pour que toutes les mutuelles prennent en charge intégralement l’ITA. Ainsi les patients les plus aisés pourront tout de même avoir accès à ces thérapeutiques curatives mais nombre d’entre eux se retrouveront sur le bas-côté. Nous savons que les modifications de notre environnement sont étroitement liées à l’émergence des allergies respiratoires. Les milieux défavorisés ayant souvent les formes plus sévères, sont principalement les patients qui auront le plus besoin du traitement curatif par ITA, mais paradoxalement ce sont ceux qui n’y auront pas accès faute de remboursement suffisant. Sur le plan éthique et social, les inégalités qu'engendrerait ce déremboursement sont inconcevables et inacceptables dans un pays comme le nôtre.
Les arguments méthodologiques opposés aux différentes études prouvant l’efficacité et la sécurité de l’ITA ne sont pas applicables ici. En effet la multiplicité des sources allergéniques, des dosages, des durées et protocoles de traitement rend impossible ce travail d'obtention de données homogènes. Nous entrons dans l’ère de la thérapeutique personnalisée et c’est exactement ce qu’est l’ITA… Paradoxalement, c’est ce qui lui est reproché…
Des étudiants déroutés
Après des années de discussion, la spécialité d’allergologie a enfin vu le jour il y a moins d’un an, lorsque nos instances dirigeantes ont enfin pris la mesure de l’importance en termes de santé publique de notre spécialité. Si jeune, elle est pourtant déjà menacée.
Comment cette modification des remboursements est perçue par les étudiants et les jeunes allergologues ? Cette mesure, représentant un frein diagnostique et thérapeutique en allergologie, inquiète les étudiants et jeunes allergologues pour la qualité de prise en charge de leurs futurs patients et leur avenir professionnel.
Quels vont être nos moyens diagnostiques et thérapeutiques ?
Si cette proposition de déremboursement des APSI est acceptée en l'état, les seuls outils diagnostiques accessibles dans le futur seront les dosages biologiques, bien plus coûteux et moins performants que nos actuels tests cutanés, seuls tests in vivo non invasifs existants. Comment en l'état garantir un diagnostic de qualité et éviter l'écueil du sous-diagnostic ?
Sur le plan thérapeutique il nous faudra opter pour la majorité de nos patients pour des traitements symptomatiques, uniquement palliatifs et ne modifiant pas l'évolution naturelle des allergies vers leur aggravation.
En 2017, le Diplôme d’Études Spécialisés (DES) en Allergologie a vu le jour et nous avons accueilli notre première promotion d’internes allergologues. La volonté de la HAS de réduire nos moyens thérapeutiques et diagnostiques, leur envoie un message contradictoire et anxiogène. Comment leur expliquer cette décision ? Comment les retenir, pour qu’ils ne choisissent pas de faire un droit au remord, c’est-à-dire changer de spécialité au cours de leur internat ? Les étudiants en médecine sont de plus en plus inquiets de manière générale pour leur avenir professionnel et personnel et préféreront s’orienter vers une autre spécialité plutôt que risquer de choisir une discipline dépouillée de ses moyens. Comment convaincre les étudiants de devenir allergologues si on ampute notre discipline de ses outils les plus basiques ?
C’est à vous que je pose la question, car malheureusement, nous n’avons pas de réponse à leur donner.
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