La fréquence des cancers va augmenter à un rythme alarmant dans le monde. Le « World Cancer Report » prédit même, en l'absence de mesures immédiates, une hausse de 50 % du nombre de nouveaux cas annuels, qui passerait de 10 millions en 2000 à 15 millions en 2020.
Publié par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui fait partie de l'OMS, le rapport montre que le cancer, autrefois considéré comme « une maladie occidentale », touche désormais autant les pays en développement que les pays industrialisés. En 2000, il a fait 6,2 millions de morts (soit 12 % du total des décès).
La progression prévisible de la maladie s'explique certes par le vieillissement de la population mais aussi par la généralisation mondiale de modes de vie à risque. L'analyse des stratégies de prévention utiles en découle, sachant que trois facteurs sont à l'origine de 40 % des cas et de 43 % des décès (en 2000), le tabac, l'alimentation et les infections.
Le tabac, qui a tué 100 millions de personnes au cours du siècle passé, est le premier visé. Le rapport en rappelle s'il en était besoin les méfaits ; il souligne aussi les « énormes bénéfices » du renoncement à la cigarette, quel que soit l'âge (après 50 ans, la réduction des risques est encore de 60 %). Le cancer du poumon est le plus fréquent et celui qui fait le plus de morts (17,8 % des décès par cancer), devant les cancers de l'estomac (10,4 %) et du foie (8,8 %).
Bonnes nouvelles
Après le sevrage tabagique, l'alimentation est le deuxième important moyen de prévention. Le rapport annonce, au milieu de chiffres accablants, « les bonnes nouvelles » : le cancer de l'estomac, qui était l'un des plus fréquents (870 000 cas chaque année) et l'un des plus redoutables (650 000 décès), est en net recul. Dans certains pays européens, comme la Suisse, la mortalité a diminué de 60 % en une génération. Dans trente ans, on pourrait même parler de maladie rare. Explication : tout simplement le réfrigérateur, pour la conservation des poissons et des viandes sans salage (les pays qui apprécient les salaisons, comme le Portugal, le Brésil, le Japon ont des taux qui baissent moins vite) ; et une alimentation plus riche en fruits et légumes frais. C'est l'occasion de rappeler la récente étude selon laquelle la consommation de 500 g de fruits et légumes par jour peut diminuer l'incidence des cancers digestifs de 50 %. Une diminution de la consommation de graisses pourrait aussi réduire la fréquence des cancers colo-rectaux, deuxième forme de tumeurs dans les pays en voie de développement.
Troisième axe de la prévention : les agents infectieux (VHB, VHC, papillomavirus, Helicobacter pilori) qui, dans les pays en développement, peuvent représenter jusqu'à 23 % des causes de cancer. La vaccination est recommandée (le vaccin contre le HPV devrait être disponible d'ici trois à cinq ans, précise le rapport).
Mais les styles de vie n'expliquent pas tout. Le poids du cancer dans les pays en développement est aggravé par la pauvreté, qui rend quasi inexistant le dépistage : au moment du diagnostic, 80 % des malades ont des tumeurs devenues incurables. Or là aussi, on relève une bonne nouvelle, du moins pour les Occidentaux : le début du déclin de la mortalité par cancer du sein en Amérique du Nord, Europe de l'Ouest et Australie, grâce au développement du dépistage et aux progrès des traitements (chimiothérapies, tamoxifène). En revanche, il ne faut pas miser dans l'immédiat sur la recherche génomique : elle apportera une « masse énorme d'informations », mais celles-ci n'auront peut-être pas beaucoup d'applications pratiques et pourraient ne concerner que des cancers rares.
Le rapport, « un livre comme il n'en existe pas d'autre dans le monde », va être largement diffusé aux autorités sanitaires, dans les facultés de médecine et même dans les librairies générales, annonce le Dr Paul Kleihues, directeur du CIRC.
L'incidence annuelle des cancers | ||
Localisation | Dans le monde | En France |
Cancer du poumon | 1 200 000 | 27 743 |
Cancer du sein | 1 000 000 | 41 845 |
Cancer colo-rectal | 940 000 | 36 257 |
Cancer de l'estomac | 870 000 | 7 126 |
Cancer du foie | 560 000 | 5 976 |
Cancer du col de l'utérus | 470 000 | 3 387 |
Cancer de l'oesophage | 410 000 | 4 968 |
Tumeurs de la tête et du cou | 390 000 | |
Cancer de la vessie | 330 000 | 10 771 |
Lymphomes non-hodgkiniens | 290 000 | 9 908 |
Leucémies | 250 000 | 6 243 |
Prostate et testicules | 250 000 | 40 209 |
Cancer du pancréas | 216 000 | 4 887 |
Cancer de l'ovaire | 190 000 | 4 488 |
Cancer du rein | 190 000 | 8 293 |
Cancer du corps de l'utérus | 188 000 | 5 064 |
Cancer du système nerveux | 175 000 | 5 299 |
Mélanome | 133 000 | 7 231 |
Cancer de la thyroïde | 123 000 | 3 711 |
Cancer du pharynx (au niveau de la gorge) | 65 000 | |
Maladie de Hodgkin | 62 000 | 1 367 |
Chiffre 2000. Source: CIRC et ministère de la Santé |
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