Au congrès de la Société européenne d'endocrinologie

Dépistage thyroïdien généralisé pendant la grossesse, un débat toujours d'actualité

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Publié le 24/05/2018
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thyroide

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Crédit photo : PHANIE

Faut-il réaliser un dépistage thyroïdien de façon systématique en cours de grossesse ? La question, qui divise les médecins depuis plusieurs années, reste ouverte.

Lors d'un débat au congrès de la Société européenne d'endocrinologie (ECE 2018), les arguments des deux courants ont été exposés par la voix du Dr Kristien Boelart, de l'université de Birmingham (Royaume-Uni), pour les partisans d'un dépistage généralisé par hormones et anticorps et par celle du Pr Brigitte Velkeniers de l'université Vrije à Bruxelles pour ceux en faveur d'un statu quo avec le dépistage des femmes à haut risque.

Si des sociétés savantes, telles que la Société européenne d'endocrinologie ou l'American Thyroid Association, ont pris position en faveur d'un dépistage systématique, aujourd'hui seul un dépistage ciblé est recommandé. En France, un dosage simultané de la TSH et de la T4L est recommandé en cas de signes cliniques évocateurs (goitre), de contexte auto-immun (diabète de type 1), de contexte thyroïdien personnel ou familial, est-il précisé dans les recommandations HAS de 2007.

Un dépistage généralisé permettrait d'identifier les femmes ayant une hypothyroïdie fruste (seuil TSH > 4 mUI/l), sachant qu'environ 15 % des femmes enceintes seraient concernées et que le dépistage ciblé rate 30 % des cas de cette forme limite.

Un continuum à mieux cerner

L'hypothyroïdie fruste serait associée à un risque obstétrical moins bon mais sans qu'il n'ait été démontré qu'un traitement par lévothyroxine améliore le pronostic. Quant à un possible risque de retard mental pour les bébés à naître, deux essais récents publiés dans « The New England Journal of Medicine » ont montré un QI comparable chez les enfants à 3 (essai CATS) et à 5 ans, que la mère ayant une hypothyroïdie infraclinique soit traitée ou non.

Dans la discussion, le Dr Kristien Boelart met en avant le fait que le dépistage ciblé laisse passer, selon elle, jusqu'à 75 % des grossesses avec dysthyroïdie et ce, alors que la méthode de dépistage est simple et coût-efficace. « Comme pour la pression artérielle, la fonction thyroïdienne est un continuum et devrait être surveillée pour comprendre ce qui est normal dans chaque cas », a-t-elle développé. 

À l'inverse, le Pr Brigitte Velkeniers a souligné le faible niveau de preuve en faveur du traitement d'une hypothyroïdie légère, tout en soulignant la complexité de débuter de façon personnalisée un traitement en l'absence de seuil clair mais aussi la nécessité d'une surveillance dans le temps.

Le(s) terme(s) d'un éventuel dépistage

« Bien sûr, une dysfonction thyroïdienne, hyper ou hypothyroïdie, devrait être diagnostiquée et traitée, a développé la spécialiste belge. Mais bien que de petits changements d'activité thyroïdienne aient été associés à un moins bon pronostic obstétrical, l'association n'est pas synonyme de cause ». D'autres facteurs associés à une auto-immunité thyroïdienne tels que l'âge, l'indice de masse corporelle, le tabagisme pourraient agir de façon négative sur la grossesse, a-t-elle précisé. Les médicaments ciblant la thyroïde pourraient être la réponse au mauvais problème. 

Les deux experts se sont accordés sur le fait que la faisabilité d'un dépistage thyroïdien généralisé ne pourra se faire sans déterminer le(s) terme(s) de la grossesse pour faire le dépistage et de quelle responsabilité relève sa mise en œuvre. 

 

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9667