Des objets connectés au service de l’urgence médicale

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Publié le 03/06/2019
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Quelle peut être l’utilité des objets connectés pour l’activité des urgentistes ? « A Metz, cela fait déjà un certain temps que nous réfléchissons à cette question qui n’est pas nouvelle dans notre discipline. Depuis la création en 1967 du premier Samu (ndr : celui de Toulouse – Pr Louis Lareng) le recours à la télémédecine avec notamment la télétransmission des ECG était une pratique courante », précise le Dr Elies André, urgentiste au Samu de Moselle (57).

C’est au sein de ce Samu qu’a été menée une étude préliminaire sur l’apport des Google Glass, qui a donné lieu à la rédaction d’une thèse par le Dr Khaled Habchi, soutenue en décembre 2017. « Nous travaillons avec une société qui met à notre disposition une solution complète et sécurisée de lunettes connectées dont nous équipons certains ambulanciers, infirmiers ou médecins du SMUR, indique le Dr André. Cela peut être utile en cas de situations exceptionnelles : attentats, catastrophe, accidents de la route avec plusieurs victimes. Grâce à ces lunettes, le médecin régulateur peut avoir les images et le son du lieu d’intervention en complément du dialogue téléphonique. Cela peut notamment avoir un intérêt quand le médecin régulateur est en liaison avec un professionnel qui n’est pas en capacité de restituer fidèlement la situation de manière optimale, et ainsi permettre une meilleure réactivité du SAMU avec une adaptation des moyens déployés en conséquence. Il est également possible de guider les professionnels dans la réalisation de gestes techniques complexes ou spécialisés. » Récemment, lors d’un accident, nous avons eu un interlocuteur au téléphone en état de sidération qui avait omis de nous signaler que la victime avait les deux jambes sectionnées, le recours à l’image dans ce type de situation aurait certainement pu être utile ». Le Samu 57 travaille aussi avec une société d’ambulances équipée de moniteurs connectés. « Cela permet à la régulation d’avoir accès à l’ensemble des paramètres vitaux et aux tracés du scope du patient ce qui peut être un atout en phase pré-hospitalière », indique le Dr André.

Un autre paramètre à prendre en compte est le fait qu’une bonne partie de la population est à présent équipée de certains objets ou applications connectées en santé (montres, tensiomètres, thermomètres, saturomètre,…) ou d’appareils permettant la transmission d’image vidéo.

Les usages de ces dispositifs au SAMU restent encore à être prouvés.

« Le Pr Marie-Pia D’Ortho, chef de service d’exploration fonctionnelle de l’hôpital Bichat (AP-HP), dirige la plateforme Digital Médical Hub (DMH) qui est chargée de tester, de valider et d’accompagner la mise en place d’objets connectés en santé. Par ailleurs le ministère de la santé travaille depuis plusieurs années sur le projet SI Samu via son agence Asip santé. L’objectif est de mettre en place un logiciel national unique qui pourra être utilisé par tous les SAMU de France. À terme, il est prévu d’intégrer dans ce logiciel les communications vidéo avec les patients. Mais la question majeure sera celle du temps disponible en régulation pour traiter l’ensemble des données de ces objets connectés. Le recours à l’intelligence artificielle et le développement de l’interopérabilité de tous ces systèmes faciliteront l’intégration de ce flux massif de donnée. Le médecin régulateur devra sélectionner les situations où l’apport des données de santé des objets connectés ou de la vidéo ou sera pertinent, au risque de perdre beaucoup de temps – primum non nocere », indique le Dr André.

D’après un entretien avec le Dr Elies André, urgentiste au Samu de Moselle (57).

Antoine Dalat

Source : Le Quotidien du médecin: 9754