Plus de 55 % de la population mondiale vit actuellement dans une zone exempte de toute infection par le virus de la poliomyélite. C'est le résultat de campagnes intenses de vaccination menées depuis plus de trente ans. Mais le risque d'une nouvelle flambée épidémique dans des pays où la maladie a été éradiquée reste possible, en raison de la circulation récurrente de souches sauvages dans certaines régions du globe. L'OMS a aussi envisagé l'hypothèse d'une résurgence de la poliomyélite à partir des stocks viraux utilisés dans le cadre de la recherche. La possibilité d'une mauvaise identification d'un échantillon ne peut en effet être écartée. « C'est ce qui s'est passé au sein de notre laboratoire où un flacon supposé contenir du virus Coxsackie B1 était en fait rempli de poliovirus », explique le Dr Marc Davies, directeur de recherche à la Collection nationale des virus pathogènes (Salisbury, Grande-Bretagne). D'autres erreurs similaires ont, depuis, été notées dans ce centre britannique où sont conservés des échantillons de pathogènes humains à - 80 °C.
Des morts cellulaires anormalement précoces
Dans une lettre au « Lancet », le chercheur raconte la découverte de l'une de ces erreurs. Des virus étiquetés comme rhinovirus (issus de 22 éprouvettes distinctes) ont été inoculés à des cultures cellulaires et une surveillance quotidienne du taux de mort cellulaire a été effectuée. « Dans 5 des 22 cultures, nous avons assisté à des morts cellulaires dès le premier jour de culture alors qu'elles auraient du avoir lieu - si seul le rhinovirus était en cause - entre le cinquième et le sixième jour », expliquent les auteurs. L'analyse par PCR a permis d'identifier deux groupes distincts de virus : l'un correspondant à du rhinovirus, l'autre à du poliovirus. « Le séquençage des souches de poliovirus a permis de constater que nous étions en présence à la fois de virus de type vaccinal Sabin 1, mais aussi d'un virus sauvage encore non répertorié », analyse le Dr Davies. Dans le premier cas, les auteurs pensent - malgré le manque d'information sur l'origine des échantillons viraux - qu'une contamination accidentelle aurait pu avoir lieu lors de l'une des manipulation de rhinovirus. Expliquer la présence d'un poliovirus sauvage est en revanche plus problématique pour les chercheurs. Il pourrait être en rapport avec les mises en culture cellulaire à des fins de multiplication virale.
Dans un éditorial, les Drs Carita Savolainen et Tapani Hovi, du centre de référence des poliovirus de l'OMS, expliquent que « les erreurs d'étiquetage et les contaminations accidentelles sont fort heureusement rares ». La mise en place de procédures standardisées de recueil et de conservation des échantillons devrait encore faire diminuer ces risques. Mais les virologues finlandaises expliquent qu'elles ont elles aussi retrouvé des poliovirus sauvages dans des échantillons de rhinovirus. Pour les éditorialistes, « ce type de découverte ne semble pas limitée au stocks de rhinovirus. Il pourrait être en rapport avec le passage viral répété sur des lignées cellulaires et ce type de manipulation devrait maintenant être réduit ». Globalement, la contamination de stocks viraux par des pathogènes et les erreurs d'étiquetage présentent des risques pour la population et peuvent avoir des conséquences importantes à la fois du point de vue financier et du point de vue de la recherche.
« The Lancet », vol. 361, pp. 1145-1146 et 1187-1188, 5 avril 2003.
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