Deux ans ferme pour Jérôme Cahuzac qui pourrait cependant échapper à la prison

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Publié le 15/05/2018
Cahuzac

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Crédit photo : AFP

Durant près d'une heure, dans une salle bondée, Jérôme Cahuzac, âgé de 65 ans, chemise blanche, costume gris, au visage fermé, a écouté attentivement le délibéré prononcé ce mardi par Dominique Pauthe, président de la cinquième chambre de la cour d'appel de Paris. Le magistrat a pris tout son temps pour détailler toutes les accusations à l'encontre de l'ancien ministre du Budget de François Hollande.

Fraude fiscale de 2009 à 2011, blanchiment de fraude fiscale pour la période de 2003-2013 et déclarations mensongères ou incomplètes de son patrimoine… Pour tous ces agissements « avérés avec la volonté persistante d'en échapper » selon la cour, Jérôme Cahuzac, l'ancien chirurgien, a été reconnu coupable sur toute la ligne. « Ces agissements heurtent le principe républicain d'égalité des citoyens devant l'impôt, qui devrait être au centre des préoccupations d'un élu », a asséné le président de la Cour d'appel.

Dans sa décision, le juge n'a pas non plus oublié de rappeler la position de Jérôme Cahuzac, ex-ministre « menant la lutte contre la fraude fiscale au nom de l'État » alors même qu'il a conservé en toute connaissance de cause des avoirs à Singapour où il avait transféré en 2009 quelque 600 000 euros de son compte suisse pour mieux les dissimuler au fisc.

Le visage placide à l'énoncé du verdict

Mais au moment de prononcer la sanction, la cour d'appel de Paris n'a pas suivi les réquisitions de l'avocat général Jean-Christophe Muller, qui a demandé la confirmation du jugement du tribunal correctionnel de Paris, soit trois ans d'emprisonnement ferme et cinq ans d'inéligibilité. La confirmation de cette peine aurait envoyé l'ex-pourfendeur de la fraude fiscale derrière les barreaux.

La cour a certes décidé de durcir la peine en condamnant Jérôme Cahuzac à quatre ans d'emprisonnement. Mais elle les a néanmoins assortis de deux ans avec sursis. Ainsi toute peine inférieure ou égale à deux ans ouvrait la possibilité d'un aménagement de peine. Ce sera au juge d'application des peines de se prononcer sur les modalités d'exécution de ses deux ans ferme. Le médecin écope aussi d'une amende de 300 000 euros et de cinq ans d'inéligibilité.

À l'énoncé de la peine, l'ex-chirurgien n'a pas bougé, le visage placide, contrairement à ses avocats qui n'ont pas caché leur satisfaction. « Ce n'est pas une victoire de la défense, c'est une victoire de la justice », a réagi son avocat Me Eric Dupond-Moretti. « C'est une décision équilibrée qui rappelle la responsabilité mais aussi la fragilité et les failles de Jérôme Cahuzac », a-t-il poursuivi.

Lors de sa précédente plaidoirie, en février, Me Eric Dupond-Moretti avait déjà alerté les juges d'appel. « La prison, c'est quand il n'y a aucune autre solution », avait lancé le ténor du barreau, décrivant un homme « seul », « cassé », « prisonnier de son mensonge », « qui a exprimé son regret ». Jérôme Cahuzac avait alors évoqué sa « peur » d’aller en prison et d’infliger cette peine à sa famille.

Pour le parquet national financier, institution née du scandale Cahuzac, qui avait réclamé la confirmation des trois ans de prison ferme infligés en première instance, cet arrêt est un revers pour une faute « d'une exceptionnelle gravité ». Constitué en partie civile, il n'a pas la main pour se pourvoir en cassation.

La cour a aussi confirmé la condamnation de l'ex-avocat genevois Philippe Houman, considéré comme « acteur essentiel du processus de dissimulation ». L'homme d'affaires basé à Dubaï a été condamné à un an avec sursis et 375 000 euros d'amende pour avoir mis en place le montage financier pour le transfert d'avoirs à Singapour.

 


Source : lequotidiendumedecin.fr