Dans un hôpital sicilien

Deux gynécologues se battent lors d’un accouchement

Publié le 08/09/2010
Article réservé aux abonnés

DE NOTRE CORRESPONDANTE

ACCOUCHER devant deux gynécologues en train de se battre. C’est ce qui arrivé le 29 août dernier en Sicile dans un hôpital de Messine. À l’origine de la bagarre, une divergence d’ordre professionnel. Pour le médecin de garde, Vincenzo Benedetto, son collègue Antonio de Vivo n’avait pas le droit d’envisager de pratiquer une césarienne sans l’avoir consulté. « Tu n’es personne dans cet hôpital, c’est moi le médecin de garde aujourd’hui ; par conséquent, tu ne peux prendre aucune décision sans mon consentement ! », a tonné Vincenzo Benedetto. La discussion a rapidement tourné à l’empoignade. D’abord quelques gifles et des coups de poing. Puis le médecin de garde a saisi son confrère au cou avant de le projeter brutalement contre un mur. Le médecin, qui avait suivi la jeune femme pendant toute sa grossesse, s’est relevé et a brisé une verrière à coups de poing.

L’accouchée, victime d’une hémorragie, a dû être opérée d’urgence. D’abord une césarienne, puis une hystérectomie. L’enfant, pour sa part, a fait deux arrêts cardiaques qui pourraient avoir entraîné des dommages cérébraux. Mais, selon les médecins de la polyclinique, il est encore trop tôt pour prédire les répercussions à long terme.

Pour l’heure, la mère et le nouveau-né sont en thérapie intensive. Le médecin de garde a été suspendu et son collège licencié. Le Conseil de l’Ordre des médecins a été saisi du dossier. Selon une source anonyme, les deux hommes pourraient être radiés pour faute grave. Accusé de ne pas savoir gérer son département, le chef de service Domenico Granese a été suspendu la semaine dernière. Il jure que l’hôpital n’a rien à se reprocher. « Il n’y a aucun lien entre l’état de la jeune femme et la bagarre entre les deux médecins, affirme-t-il. Laura Salpietro a été opérée en urgence par d’autres collègues. La césarienne a été faite à temps. »Côté justice et ministère de la Santé, deux enquêtes parallèles sont en cours. Le ministre de la Santé Ferruccio Fazio se dit profondément choqué, jure que ce genre d’affaire ne se reproduira plus et promet des sanctions exemplaires.

Quant à la famille de Laura Salpietro, qui a porté plainte, elle réclame que justice soit faite. « Cette affaire incroyable est d’une gravité extrême. Des médecins dignes de ce nom ne peuvent pas se battre pendant qu’une femme accouche ! », s’indigne Matteo Molonia, l’époux de la jeune femme. « Les médecins se battaient, ma femme souffrait et elle a dû attendre, insiste-t-il. Si les choses s’étaient passées normalement, notre enfant n’aurait pas fait deux arrêts cardiaques. J’ai dû appeler les carabiniers pour éviter le pire. »

ARIEL F. DUMONT

Source : Le Quotidien du Médecin: 8810