Dossier électronique du patient : les propositions du rapport Fieschi

Publié le 03/04/2003
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A la tête du département d'information médicale (DIM) de La Timone, à Marseille, depuis 1992, le Pr Marius Fieschi dirige également le Lertim (laboratoire d'enseignement et de recherche sur le traitement de l'information médicale) à la faculté de médecine (depuis 1989). Jean-François Mattei lui a demandé en décembre un avis sur la faisabilité d'un dossier patient partagé par les professionnels de santé et les patients eux-mêmes, qui entrerait dans le cadre des nouveaux droits des malades et favoriserait la continuité des soins.

Principale conclusion du rapport du professeur de biostatistiques et d'informatique médicale (1) : il est déjà possible d'organiser le rassemblement pragmatique des données numérisées produites par les professionnels de santé et de les héberger sur des serveurs, en les associant à des droits d'accès ouverts par les patients aux praticiens qu'ils choisissent.
« Cela fait vingt ans que l'on travaille sur la normalisation du dossier médical, la structuration des données puis l'interopérabilité des systèmes d'information, rappelle Marius Fieschi. Il faut désormais se rendre à l'évidence que cet objectif de normalisation a priori risque de bloquer l'émergence des nouvelles formes d'exercice de la médecine, vouées à la coordination des soins par la mise en commun d'informations. Il faut maintenant encourager la culture du partage, facteur d'amélioration de la qualité des soins, de responsabilisation des patients et des médecins. »
Pour le DIM marseillais, les technologies sont disponibles et les outils assez simples d'utilisation (à l'instar des navigateurs Internet). Et si on lui fait remarquer que trois Français sur quatre n'ont pas encore accès à Internet, il insiste sur l'urgence qu'il y a à expérimenter un tel système dans quelques régions, sur la base du volontariat, sans attendre que la population dans son ensemble soit concernée.
Il propose le concept d'une « adresse qualité santé », choisie par le patient chez un hébergeur (que Marius Fieschi assimile alors à un notaire). Il envisage que cette « adresse » puisse être offerte par un organisme d'assurance-maladie pour assurer son financement, confiant dans le fait que les hébergeurs de données de santé seront encadrés en termes de sécurité et de confidentialité : un décret en préparation prévoit en effet leur contrôle et leur labellisation par les pouvoirs publics. « Ce système d'information centré sur le patient et la communication entre les malades et les professionnels est porteur d'amélioration de la qualité des soins et du suivi des patients. Et un tel dispositif d'hébergement est la meilleure solution à mettre en place si l'on veut qu'il soit véritablement centré sur le patient et non plus sur une structure de soins ou une pathologie », commente-t-il. Il en veut pour preuve les systèmes d'information de certains réseaux consacrés à une pathologie, qui se juxtaposent et ne permettent pas la communication autour d'un même patient polypathologique.

Soutenir de quatre à six expérimentations

La carte Vitale a-t-elle vocation, à ses yeux, à constituer la clef d'entrée de ce dossier électronique ? « Sans doute, mais ce n'est qu'un moyen parmi d'autres, qui doivent pouvoir être mis en œuvre lorsque les patients voyagent par exemple », répond Marius Fieschi.
L'expert recommande une forte implication des pouvoirs publics dans un tel projet, même s'il n'est pas question que l'Etat gère le dossier médical. Il préconise de « soutenir de quatre à six projets intéressant des bassins de population d'un demi à un million d'habitants et les professionnels de santé les prenant en charge », d'ici à la fin de l'année, dès que le décret sur le statut d'hébergeur sera paru. Ces expérimentations dureraient trois ans et réclameraient à l'Etat un budget annuel de trois millions d'euros pour financer à la fois la mise en place des infrastructures chez les hébergeurs et les évolutions nécessaires des systèmes d'information des établissements et des professionnels.
Il recommande en tout cas que l'Etat anticipe et oriente l'élaboration d'un modèle économique avec les acteurs de la santé. C'est d'ailleurs pourquoi il indique, en conclusion de son rapport, que « l'absence, au ministère, de structure ayant la visibilité suffisante pour assurer une coordination efficace des initiatives en matière de systèmes d'information est un handicap majeur ». Certes, la mission pour l'informatisation du système de santé (MISS) lui paraît jouer « un rôle transversal souhaitable ». Mais, compte tenu par ailleurs de l'urgence à rénover l'informatique hospitalière et du danger de cloisonnement des systèmes d'information de réseaux, il conseille « la transformation éventuelle de cette mission en une délégation au système d'information de santé rétablissant sa vocation et son autorité pour mobiliser les moyens nécessaires ».

(1) Le document est intitulé « Les données du patient partagées : la culture du partage et de la qualité des informations pour améliorer la qualité des soins ».

Dominique LEHALLE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7309