Beaux-livres

Dr Da Vinci, anatomiste

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Publié le 20/12/2019
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Pourquoi revenir encore à Léonard De Vinci (Cf. Décision et Stratégie Santé N° 316) ? L'exposition consacrée au Grand Maître s'accompagne d'une nouvelle floraison d'ouvrages qui en traduit la postérité sans égale dans l'histoire de la culture européenne. Citons en premier lieu la traduction en français de l'ouvrage de référence de Martin Kemp. Le livre grâce à son exceptionnelle iconographie donne à voir, outre tous les chefs-d'œuvre, les leçons d'anatomie. Et surtout les inscrits dans le parcours de l'artiste. « De cette entreprise de refonte et d'intensification intellectuelle, ses études anatomiques de l'hiver 1507-1508 furent la première étape majeure », précise l'auteur. Cette année-là, le Dr Da Vinci réalise une autopsie chez un vieillard de plus 100 ans. Il quitta la vie d'une mort si douce qu'il fallait bien en rechercher la cause. Léonard trancha. La cause était une défaillance vasculaire. Mais ces travaux de recherche visent au-delà de la simple description. Ils s'inscrivent dans une conception théologique où chaque organe a sa fonction et où le corps de l'homme est un microcosme face au grand macrocosme de la terre. La source de vie est la circulation des fluides. Et Léonard parle des rivières comme des « veines d'eau ». La science de l'anatomiste nourrit bien sûr les visions du peintre. Pour Martin Kemp, c'est entendu. Au dessin anatomique dit de la « Grande Dame » suit à la page suivante de l'ouvrage le portrait de la Joconde. « La beauté de cette analogie entre le corps de l'homme et le corps de la terre se loge au cœur même de Mona Lisa. Il existe une profonde affinité entre le grand art de ce portrait et la belle anatomie de la « Grande Dame » sur le plan formel comme philosophique ». Recto/verso, on disposerait donc de la vraie version de la Joconde nue…

Ses recherches anatomiques reprennent deux ans plus tard mais dans une nouvelle perspective. L'esthétique ne prime plus. Et cède la première place à l'empirisme. Ses derniers travaux seront consacrés à l'anatomie du cœur en 1513-1514.

Sur l'anatomie, le maître ne s'est pas limité à dessiner. On peut retrouver ses propos et conseils dans les Carnets traduits pour la première fois en 1942 et réédités dans la collection Quarto. Le livre propose également certaines planches anatomiques. Da Vinci y prodigue ses conseils à un peintre habile en anatomie notamment « ceux qui saillent ou se dissimulent à la suite des divers mouvements de chaque membre. Souviens-toi que c'est là chose très importante et nécessaire pour ces peintres et sculpteurs qui font profession d'être des maîtres ». On trouve également une très belle anthologie d'écrits sur Léonard. Oswald Spengler dans un texte de 1917 tout à son exaltation du génie de Vinci lui attribue même la découverte de la circulation du sang pourtant mise en évidence par Harvey plus d'un siècle après la mort de Vinci. Est-ce Stendhal qui en parle mieux lorsqu'il évoque le domaine encore vierge « qui lie intimement la science des passions, la science des idées, et la médecine » ?

Qui oserait aujourd'hui brosser le portrait d'un Léonard ? Il faudrait alors ne pas oublier cette histoire leste écrite par Léonard et citée par Martin Kemp : « Une qui lavait les draps avait les pieds tout rougis par le froid, et un prêtre qui passait près d'elle lui demandait avec admiration d'où lui venait une telle rougeur ; à quoi la femme répondit aussitôt que c'était l'effet du feu qu'elle avait par-dessous. Alors le prêtre prit en main le membre qui le faisait prêtre plutôt que nonne, et s'approchant d'elle, la pria d'une voix douce et caressante d'avoir la courtoisie de lui allumer cette chandelle ». Le génie n'a pas de limites…

Léonard De Vinci par Martin Kemp, éd. Citadelles & Mazenod, collection Les Phares, relié, 544 pp.et 450 illustrations couleurs, 2019, 199 euros.
Léonard de Vinci, carnets Quarto, éd. Gallimard, 1656 pp., 2019, 33 euros.


Source : lequotidiendumedecin.fr