ECG au bout de 48 heures chez un homme qui a une sorte d’embarras gastrique

Publié le 14/03/2000
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ECG au bout de 48 heures

ECG au bout de 48 heures
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Nausées et sueurs

Un homme âgé de 72 ans présente un épisode de douleurs thoraciques basses et épigastriques prolongées pendant environ deux heures, accompagnées de nausées et de sueurs, raison pour laquelle il pense à un banal embarras gastrique et ne consulte que le surlendemain à cause de la fatigue et d’un certain degré de gêne respiratoire qui existent depuis.
Cet homme a une hypertension artérielle plus ou moins équilibrée et traitée jusque-là par un inhibiteur de l’enzyme de conversion. Son ECG était normal huit mois auparavant. L’interrogatoire retrouve la notion de lourdeur des deux bras contemporaine de l’épisode douloureux. Un ECG s’impose à la recherche d’un infarctus du myocarde chez un homme de cet âge, hypertendu et ayant présenté une telle symptomatologie.


Quel est votre diagnostic (plusieurs bonnes réponses possibles) ?

1. Angor instable.
2. Infarctus du myocarde de siège inférieur.
3. Fibrillation auriculaire.
4. Bloc auriculo-ventriculaire du troisième degré.


Réponse


Les bonnes réponses sont les 2, 3 et 4.
L’analyse du tracé montre en effet les faits suivants.
Seules trois dérivations standards sont présentées ici, mais elles permettent de faire le diagnostic :
– En D2 et D3, il existe un sus-décalage du segment ST d’environ 1,5 mm, convexe en haut, avec une ébauche d’ondes T négatives en D2 et des ondes T franchement négatives en D3. Dans cette dernière dérivation, il existe déjà une onde Q de nécrose, large de 0,04 seconde. Les ondes R sont passablement rabotées dans ces deux dérivations. Il s’agit d’un tracé d’infarctus du myocarde de siège inférieur semi-récent (48 heures).
– Le rythme n’est pas sinusal. En D1, la ligne isoélectrique est plate, sans onde P individualisée avant les QRS. En D2 et D3, c’est le contraire, il y en a trop ! Il existe une trémulation permanente de la ligne isoélectrique avec une activité auriculaire très rapide, de l’ordre de 400 par minute, mais de fréquence et d’amplitude variables d’un instant à l’autre : il s’agit d’une fibrillation auriculaire.
– Les QRS sont régulièrement espacés, contrairement à ce à quoi on s’attend lors d’une fibrillation auriculaire qui entraîne très habituellement une arythmie complète. La régularité des QRS témoigne d’une absence totale de passage des influx auriculaires vers les ventricules au niveau du nœud auriculo-ventriculaire. Il s’agit d’un bloc auriculo-ventriculaire complet. Le relais est haut situé, dans la partie basse du nœud auriculo-ventriculaire ou la partie haute du tracé du faisceau de His, comme en témoignent le caractère fin des QRS et la fréquence relativement élevée des ventriculogrammes, 70 par minute.
Le passage en fibrillation auriculaire et le bloc auriculo-ventriculaire complet sont des complications relativement banales des infarctus inférieurs, en particulier lorsqu’il n’y a pas eu de revascularisation (médicamenteuse ou instrumentale) ; elles sont en général régressives en quelques jours.

Dr Jean-Claude KAHN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6666