Cinquante mille naissances chaque année en France

Enfants conçus par AMP : le suivi médical au long cours reste nécessaire

Publié le 11/04/2013
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Crédit photo : Sébastien Toubon

POUR LE PÉDIATRE, «le succès d’une assistance médicale à la procréation (AMP) ne s’évalue pas uniquement sur un nombre d’embryons ou sur un taux de grossesses, mais sur la naissance d’un enfant bien portant», rappelle le Dr Laurence Foix-L’Hélias, pédiatre épidémiologiste arrivée depuis peu en néonatologie à l’hôpital Trousseau après avoir travaillé plusieurs années au sein de l’équipe du Pr René Frydman à l’hôpital Béclère (Clamart). La santé de ces enfants est-elle différente des enfants conçus naturellement ? La question se pose à double titre, d’une part en raisons des techniques utilisées, de l’autre en raison du terrain de l’hypofertilité parentale, et en particulier de l’âge plus avancé. «AMP ou pas AMP, plus l’âge maternel augmente, plus le risque de malformations augmente, insiste-t-elle. Quelle est la part liée au terrain maternel, quelle est celle à la procédure utilisée ? Il reste très difficile, encore aujourd’hui, de répondre à la question de l’imputabilité des techniques».

Depuis la FIV classique, l’arsenal de l’AMP s’est enrichi de nouvelles techniques (cf), qui pourraient être pourvoyeuses de risques spécifiques. Production des ovocytes obtenus par stimulation hormonale, manipulation des gamètes in vitro, suppression des processus naturels de sélection, milieu de culture des embryons, politique de transfert des embryons, toutes ces étapes bouleversent le cours naturel des choses. «Si on est globalement rassuré sur les techniques anciennes, comme la FIV classique, indique-t-elle. On a beaucoup moins de recul pour les techniques très innovantes. Pour la maturation in vitro (MIV) par exemple, on sait encore très peu de choses sur le devenir de ces enfants, y compris dans la littérature internationale. Il y a peu d’enfants nés par MIV, et peu de centres référents, puisqu’il n’en existe que 3 en France. Une étude en cours est en train d’analyser leur poids, taille et périmètre crânien. Mais, comme l’échantillon est de très petite taille, il faudra rester très prudent sur les conclusions à en tirer ».

Technique ou terrain

Le recours à une technique d’AMP pose la question du suivi des enfants. Les complications périnatales sont maintenant bien identifiées et largement publiées depuis de nombreuses années. Les chiffres montrent clairement une augmentation de la morbi-mortalité périnatale. «Le taux de prématurité est multiplié par 5, le taux d’hypotrophie par 3, le nombre d’hospitalisation par 3 et la mortalité néonatale par 6», indique la pédiatre, qui résume ainsi les données de FIVNAT (dernière mise à jour de 2005). «Le taux plus élevé de complications est expliqué en grande partie par les grossesses multiples. Mais il existe aussi pour les grossesses uniques. Encore une fois, il est connu et prouvé que le terrain maternel de l’infertilité joue un rôle important, bien plus que la technique employée. Il s’agit de l’âge et des pathologies vasculaires pour l’essentiel».

Un nombre plus élevé de malformations

Sont-ils exposés à davantage de complications à plus long terme ? «L’excès de risque lié à l’utilisation d’une technique particulière, par exemple de certaines malformations, est très difficile à évaluer», insiste-t-elle. Même si les résultats des études sont parfois contradictoires, il a été rapporté un risque plus important de certaines malformations congénitales, comme certaines cardiopathies mais aussi des anomalies de fermeture du tube neural ou encore des anomalies du sinus uro-génital. «En France, nous disposons entre autres des données du registre des malformations congénitales de Paris et de l’enquête EPICARD, qui a étudié en population les enfants porteurs d’une cardiopathie congénitale résidant à Paris et petite couronne. Ceci devrait permettre de répondre à des questions spécifiques autour de l’AMP. Néanmoins, l’évaluation de ce taux de malformations est difficile car les fausses couches ne sont pas toujours bien documentées». Pour le risque de maladies chromosomiques, le risque semble minime également. «Récemment quelques publications ont rapporté une incidence augmentée des pathologies liées à l’empreinte génétique, comme les syndromes de Willi-Prader ou d’Angelman. L’empreinte parentale, qui correspond à la non-équivalence des deux génomes parentaux, joue un rôle majeur dans le développement fœtal. Néanmoins, il s’agit de pathologies extrêmement rares dont l’incidence dans la population générale variede 1/50000 à 1/25000».

L’information due aux couples

Quant au risque de cancers, «une vraie alarme a été lancée en 2005 suite à une publication dans le Lancet sur les rétinoblastomes, qui semblaient plus fréquents chez les enfants nés après FIV. De là s’est posée la question : et si c’était valable pour d’autres tumeurs ? En fait, les données recueillies par la suite sur le risque de rétinoblastome se sont révélées rassurantes en cas de traitement de l’infertilité, y compris pour la FIV ». Le plus important est de donner toute l’information dont on dispose aux couples candidats à une AMP. «L’imputabilité de telle ou telle technique est très difficile à établir. Si un certain degré d’incertitude persiste, en particulier avec les nouvelles techniques d’AMP, les risques à long terme sont minimes. Cela ne justifie en rien de remettre en cause l’utilisation de l’AMP sur le plan médical. C’est au couple concerné, une fois informé de façon claire et transparente, de décider d’accepter ou non les risques liés à l’AMP et d’accepter les incertitudes que l’on ne peut maîtriser quand on choisit de donner la vie».

Dr IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 9233